Forte poussée de l’extrême droite en Flandre, percée des écologistes à Bruxelles : le morcellement du paysage politique belge s’est accentué dimanche à l’occasion des élections législatives, laissant augurer de longues tractations pour former le futur gouvernement.
Outre leurs 21 eurodéputés, les Belges votaient dimanche pour élire des centaines de députés régionaux et nationaux. Et trois heures après la fin du vote en Flandre, le nord néerlandophone de la Belgique, le parti d’extrême droite Vlaams Belang était crédité de 18%, selon des résultats partiels (40% des bureaux). Un score trois fois plus élevé par rapport aux 6% de mai 2014, qui en ferait la deuxième force politique de la région belge la plus peuplée.
Si la tendance se confirmait, « ça montrerait que la Belgique n’est pas épargnée par la montée en puissance de populismes extrémistes », a commenté le Premier ministre Charles Michel sur la chaîne publique francophone RTBF. Le retour en force du Vlaams Belang (VB), qui avait déjà atteint les 24% en Flandre en 2004, se fait notamment au détriment des nationalistes flamands de la N-VA, qui avec 27% reculent de cinq points par rapport à 2014. Ces derniers pourraient payer le fait d’avoir mis entre parenthèses leur credo séparatiste en exerçant le pouvoir au niveau national de 2014 à 2018, alliés aux libéraux et aux chrétiens-démocrates flamands.
Le regain de santé du VB est aussi dû à « la rhétorique anti-migrants de la N-VA » depuis la crise des réfugiés de 2015, a-t-on jugé à gauche. « La N-VA n’a eu de cesse d’inoculer le virus de la haine », a fustigé Ahmed Laaouej, un des ténors du PS. « Aujourd’hui, le cordon sanitaire doit être rompu », a souhaité de son côté Filip Dewinter, une des figures du VB, signifiant ainsi à la N-VA son désir d’être associé au pouvoir dans la région.
Dans les deux autres régions, Bruxelles et la Wallonie, le sud francophone, c’est la gauche qui devrait être en mesure de former des majorités. Mais le Parti socialiste pourrait devoir partager les rênes de l’exécutif dans la capitale avec Écolo, qui doublerait son score en dépassant les 20%, d’après les premiers résultats.
Le VB, allié du RN français
En Wallonie, le PS, la première force régionale, serait affaibli cette fois par la percée du Parti du Travail (extrême gauche), qui flirterait avec les 7%. « L’indication la plus frappante, c’est la progression des extrêmes », a déclaré à la chaîne RTL le ministre des Affaires étrangères, Didier Reynders, du même parti libéral que le Premier ministre. Conséquence : la constitution d’un gouvernement fédéral s’appuyant sur une coalition majoritaire à la Chambre pourrait s’avérer très compliquée.
Les Belges ont tous en tête un record qu’ils ne veulent pas battre. Entre mi-2010 et décembre 2011, leur pays avait vécu 541 jours sans gouvernement de plein exercice. En 2014, l’élection à la Chambre (où siègent les 150 députés fédéraux) avait mené à la formation d’une coalition de centre droit dirigée par le libéral francophone Charles Michel. L’attelage s’est effondré fin 2018 quand les ministres de la N-VA, qui en étaient un pilier, ont claqué la porte pour signifier leur opposition à la ratification du pacte de l’ONU sur les migrations.
Côté francophone, hormis le parti libéral de Charles Michel, tout le monde a exclu à la veille du scrutin de s’associer à la N-VA, mais « il faut relativiser ces déclarations électorales », assurent les politologues. Pour l’un d’eux, Vincent Laborderie, de l’Université catholique de Louvain-la-Neuve, un scénario plausible serait la reconduction de la coalition sortante entre quatre partis de centre droit, avec peut-être l’appoint d’un cinquième, les centristes francophones du CDH. Si ses bons résultats se confirmaient, le Vlaams Belang, un allié du Rassemblement national français au Parlement européen, pourrait compter deux eurodéputés contre un seul jusqu’alors, contribuant à renforcer le groupe Europe des nations et des libertés (ENL).
LQ/AFP