Le site du principal média indépendant du Bélarus, TUT.BY, a été bloqué mardi par les autorités après une série de perquisitions, en pleine vague de répression visant un mouvement de contestation sans précédent en 2020.
Via son site et les réseaux sociaux, TUT.BY a largement couvert en texte et en image les manifestations contre le président Alexandre Loukachenko de l’été et de l’automne derniers, puis la répression qui a suivi. Ce média revendique jusqu’à 20 millions de visiteurs quotidiens uniques.
Le ministère bélarusse de l’Information a indiqué mardi avoir « limité l’accès » au site de TUT.BY « du fait de multiples violations de la loi sur les médias, notamment du fait de la publication d’informations interdites ». Les comptes Facebook, Telegram et sur d’autres réseaux sociaux restaient eux actifs.
Perquisitions chez les journalistes
Plus tôt dans la journée, la rédactrice en chef, Marina Zolotova, a fait état de perquisitions dans sa rédaction, chez elle et aux domiciles de journalistes par « des agents du département des enquêtes financières (DFR) du Comité de contrôle étatique ». Le DFR, un puissant organe d’investigations qui a ciblé l’opposition par le passé, a indiqué dans un communiqué que la directrice de TUT.BY, Lioudmila Tchekina, était visée par une procédure pénale pour « fraude fiscale ». En cause, « des sommes particulièrement importantes d’impayés de TVA en 2020 ».
Le président Loukachenko, au pouvoir depuis 1994, est confronté à un vaste mouvement de contestation contre sa réélection jugée frauduleuse en août 2020. Le mouvement avait rassemblé durant l’été et l’automne 2020 des dizaines de milliers de personnes dans la capitale Minsk et d’autres villes, une mobilisation énorme pour un pays d’à peine 9,5 millions d’habitants. Mais la protestation s’est essoufflée progressivement et a été fortement réprimée à coups d’arrestations massives, de violences policières ayant fait au moins quatre morts et de harcèlement judiciaire.
« Assassinat prémédité »
« Aujourd’hui, nous sommes tous témoins de l’assassinat prémédité du média et portail d’information indépendant TUT.BY », a dénoncé mardi la figure de l’opposition, Svetlana Tikhanovskaïa, exilée en Lituanie. Elle s’est adressée à la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen : « Nous réclamons une réaction sans tarder de l’UE ».
D’autres médias ont également été visés par les autorités ces derniers mois. En février, Daria Tchoultsova et Katerina Bakhvalova, de la chaîne d’opposition Belsat, ont été condamnées à deux ans de prison, accusées d’avoir fomenté des troubles en couvrant le mouvement de contestation de 2020. La plupart des journalistes travaillant pour les médias étrangers se sont vu retirer leurs accréditations, les privant de facto du droit de travailler légalement.
De son côté, le président Loukachenko, 66 ans, a présidé mardi une réunion du Conseil de sécurité qui réunit les cadres des services de sécurité, leur intimant de ne pas faiblir face à leurs ennemis intérieurs et extérieurs.
La prison ou l’exil
Surpris d’abord par l’ampleur de la contestation, le régime d’Alexandre Loukachenko a répliqué rapidement avec une très grande fermeté, arrêtant des milliers de personnes et dénonçant un complot ourdi en Occident. Près de six mois après les derniers grands rassemblements, de lourdes peines de prison continuent de tomber sur ses détracteurs. La quasi-totalité des figures de la contestation ont été emprisonnées ou contraintes à l’exil, à l’instar de l’ex-candidate à la présidentielle Svetlana Tikhanovskaïa.
Cette répression a valu au Bélarus une batterie de sanctions occidentales qui l’ont conduit à se rapprocher davantage du président russe Vladimir Poutine. Les deux pays, de proches alliés, entretiennent des relations compliquées depuis des années, Minsk suspectant Moscou de vouloir le vassaliser. En avril, la Russie et le Bélarus ont en outre accusé des opposants d’avoir planifié un coup d’État visant à assassiner Loukachenko et sous-entendu que des puissances occidentales aient pu être complices.
LQ/AFP