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Bataille dans l’UE pour verdir les emballages, face à un intense lobbying


Une installation artistique dénonçant la production massive de plastique, le 29 mai 2023 à Paris. (photo AFP)

Restriction des contenants à usage unique, consigne, plastique recyclé… les eurodéputés examinent ce mardi un texte visant à verdir les emballages dans l’UE, sur fond d’un intense lobbying hostile des entreprises et d’une opposition farouche de l’Italie.

Des colis aux gobelets de café, les Européens n’ont jamais généré autant de déchets d’emballages : 188,7 kg par habitant en 2021 – un bond de 11 kg en un an et de 32 kg en une décennie – pour un taux de recyclage de seulement 64 % (moins de 40 % pour les seuls emballages plastiques), selon les chiffres d’Eurostat.

Face au problème, la Commission européenne a proposé l’an dernier une législation fixant un objectif de réduction de 10 % par habitant d’ici 2035, par rapport à 2018, du volume de déchets d’emballages (-15 % d’ici 2040).

Pour y parvenir, Bruxelles souhaite notamment imposer des niveaux contraignants de réemploi des emballages pour chaque secteur (e-commerce, restauration, bières au détail…), fixer un taux minimum de contenu recyclé dans les emballages plastiques, ou encore restreindre les espaces vides des colis.

En amont d’un vote mardi en commission Environnement au Parlement européen, les élus de quatre groupes – PPE (droite), S&D (socialistes), Renew (libéraux) et Verts – se sont accordés sur des compromis reprenant les grandes lignes de la proposition.

Ils conservent notamment l’obligation pour les États de recourir à un système de consigne pour les bouteilles en plastique et canettes métalliques – si le taux de collecte de ces déchets n’atteint pas 85 %.

En revanche, l’objectif d’emballages réutilisables pour la restauration à emporter serait supprimé, au profit d’une obligation pour les restaurants et cafés à accepter les contenants apportés par les clients, selon une source parlementaire.

« Rapports mensongers »

Des divergences persistent sur d’autres dispositions, critiquées par le PPE, qui interdisent après 2030 certains emballages plastiques jugés inutiles – notamment à usage unique pour la restauration ou les fruits et légumes. Bruxelles visait également les emballages miniatures des hôtels. Le vote intervient sur fond d’intense campagne des entreprises, principalement autour des obligations de réemploi.

L’enjeu est de taille : la fabrication d’emballages génère dans l’UE un chiffre d’affaires annuel vertigineux de 355 milliards d’euros, rappelle Pascal Canfin, l’eurodéputé de Renew qui préside la commission Environnement. Cet élu français dénonce « un lobbying de grande ampleur » à coup de « rapports mensongers ».

Il fustige l’étude commanditée par le géant du fast-food McDonald’s, aux « données trompeuses » car non indépendantes, pour défendre le « tout-jetable », ainsi qu’une enquête de l’organisation des fabricants d’emballages papier (EPPA) basée sur des chiffres « confidentiels ».

« C’est normal que des entreprises défendent leurs points de vue. Encore faut-il se baser sur des informations publiques » et avérées, déplore-t-il.

Restauration rapide et industriels du papier vantent les mérites « écologiques » des emballages à usage unique, potentiellement recyclables ou issus de forêts durables, par rapport au plastique ou au réemploi – qui exigerait au final d’utiliser plus d’eau et d’énergie.

Des arguments démontés par les ONG. « La crainte de saper les investissements dans le recyclage est infondée », estime Marco Musso, de l’European Environmental Bureau. « Les infrastructures existantes seront insuffisantes pour recycler des déchets en volume toujours croissant ».

En plénière en novembre 

Pascal Canfin prédit un vote parlementaire « très serré », en raison de dissidences probables d’élus italiens du PPE et de S&D partageant l’hostilité tous azimuts de leur pays au texte.

Ayant misé sur le bioplastique, l’Italie pourfend « un risque de charges administratives et coûts élevés », vantant plutôt les emballages « biosourcés et compostables » et son modèle de tri sélectif.

« Le réemploi consomme davantage de ressources(…). Et interdire les emballages à usage unique pourrait plomber l’agroalimentaire, l’hôtellerie, la vente au détail (…) entraînant des coûts non soutenables, particulièrement pour les PME », s’alarmait en mars le ministre italien de l’Ecologie Gilberto Pichetto Fratin.

« Nous nous opposerons fermement à toute tentative d’imposer des solutions unilatérales ne respectant pas les spécificités industrielles de chaque État », renchérissait alors l’eurodéputé (PPE) Massimiliano Salini.

Le résultat du vote de mardi sera débattu en novembre en plénière par les eurodéputés, avant de futures négociations avec les États membres qui doivent eux-mêmes adopter leur position mi-décembre.

Or, les 27 sont divisés sur plusieurs points clés (base juridique du texte, flexibilité accordée aux États, consigne obligatoire ou non…) et se déchirent, eux aussi, sur les objectifs de réemploi des emballages.