Plusieurs dizaines de milliers de manifestants ont empli samedi une avenue de Barcelone pour réclamer la remise en liberté de dix dirigeants indépendantistes catalans, plus de deux semaines après une déclaration d’indépendance ensuite annulée.
Cette mobilisation, intervenant après de nombreuses autres manifestations, devait servir de test pour le mouvement indépendantiste, avant des élections cruciales pour la région convoquées le 21 décembre. « Liberté pour les prisonniers politiques », « nous sommes une république », clamaient les deux banderoles en tête du cortège, tenues par des proches des dirigeants incarcérés.
Ils brandissaient des pancartes « SOS démocratie » et de nombreux drapeaux indépendantistes ou scandaient le slogan « liberté ». La manifestation a été convoquée par deux puissantes organisations séparatistes – l’Assemblée nationale catalane (ANC) et Omnium – pour appeler à la remise en liberté de leurs deux dirigeants incarcérés, ainsi que la libération de huit anciens membres du gouvernement catalan destitué à la suite de la déclaration d’indépendance.
Une juge madrilène a ordonné le 2 novembre le placement en détention provisoire des huit « ministres » catalans destitués, dans une enquête pour « sédition », « rébellion » et « détournements de fonds ». Le président de l’exécutif catalan destitué, Carles Puigdemont – visé par un mandat d’arrêt européen à la demande de la justice espagnole – a appelé à faire entendre une « clameur commune » lors de cette manifestation. Lui-même se trouve à Bruxelles depuis le 30 octobre avec quatre ex-membres de son gouvernement.
« Bien que nous soyons loin pour certains d’entre nous, que d’autres soient en prison, nous avons là un rendez-vous pour exprimer dans une clameur commune, forte et claire, que nous voulons la liberté et la démocratie, et que nous voulons le retour à la maison de tous ceux qui sont en prison ou à l’étranger », avait lancé Carles Puigdemont dans un message diffusé sur la télévision catalane TV3.
Puigdemont, qui tente pour l’instant sans succès de constituer une liste commune indépendantiste en vue des élections du 21 décembre convoquées par le gouvernement central, a déclaré s’efforcer « d’attirer l’attention de l’étranger » et reproche à l’Union européenne de « détourner le regard ».
La maire accuse Puigdemont
Les organisateurs espéraient la même affluence que lors des rassemblements massifs qui marquent chaque année la fête nationale catalane, la Diada, le 11 septembre. L’influente maire de Barcelone, Ada Colau (gauche), qui n’est pas indépendantiste mais appelle de ses voeux un référendum d’autodétermination de la région, avait annoncé sa participation. Mais, auparavant, lors d’une réunion de son parti Catalunya en Comú, Ada Colau n’a pas épargné le gouvernement de Carles Puigdemont, l’accusant d’avoir été « irresponsable » et d’avoir mené la région « au désastre » en encourageant une déclaration d’indépendance dont une majorité de Catalans ne voulaient pas.
L’une des égéries du mouvement indépendantiste manquait par ailleurs à l’appel samedi: la présidente du parlement catalan dissous, Carme Forcadell, libérée sous caution vendredi après une nuit en prison. Elle a « suivi les conseils de son avocat », a expliqué à une de ses porte-paroles. Elle a été auditionnée jeudi par un juge de la Cour suprême, avec cinq autres parlementaires catalans dans le cadre d’une enquête pour « rébellion », « sédition » et « malversations ». Elle a évité la détention provisoire après s’être engagée à respecter le cadre légal.
Dans son arrêt, le juge Pablo Larrena indique que les élus ont devant lui « renoncé à toute activité politique future », ou dans le cas où ils poursuivraient leur carrière, « renoncé à tout acte hors du cadre constitutionnel ». Les parlementaires ont relativisé lors de leur audition la portée de la déclaration d’indépendance, affirmant qu’elle était sans effets juridiques.
La déclaration d’indépendance, qui faisait suite au référendum interdit du 1er octobre, avait été suivie de la mise sous tutelle de la Catalogne par le gouvernement espagnol, qui a destitué l’exécutif de la région, dissous son parlement et convoqué des élections régionales. Le chef du gouvernement Mariano Rajoy est attendu dimanche à Barcelone pour soutenir les candidats locaux du Parti populaire (PP) qu’il préside.
Le Quotidien/AFP