Un an après les attentats qui ont fait 16 morts à Barcelone et Cambrils, l’Espagne a rendu hommage vendredi aux victimes, sans toutefois mettre de côté les divisions sur l’indépendance de la Catalogne. Une banderole contre le roi d’Espagne Felipe VI a notamment été déployée.
Les proches des victimes avaient réclamé une « trêve » dans le conflit politique autour de la tentative de sécession d’octobre dernier, qui avait rapidement éclipsé l’immense émoi provoqué dans le pays par ces attaques. Mais sur l’emblématique avenue des Ramblas de Barcelone, où un jihadiste a foncé il y a un an dans la foule, une banderole réclamant la libération des leaders catalans incarcérés pour leur rôle dans la vaine déclaration d’indépendance a été déployée. « Sans eux, cette cérémonie est une supercherie », y était-il écrit. Sous cette banderole, les familles des victimes ont déposé des fleurs sur la mosaïque de l’artiste barcelonais Joan Miró au centre de la célèbre avenue.
Une banderole contre le roi d’Espagne Felipe VI a par ailleurs été déployée sur un immeuble de la place de Catalogne, où s’est déroulée la cérémonie d’hommage en présence des principales autorités du pays dont le souverain, sa femme la reine Letizia et le chef du gouvernement Pedro Sanchez. « Le roi d’Espagne n’est pas le bienvenu dans les pays catalans », affirmait en anglais cette banderole à côté d’un portrait la tête en bas du monarque, qui avait déjà été hué l’an dernier lors de la manifestation ayant suivi les attentats.
« Vive le Roi », ont crié en réponse des partisans de l’unité de l’Espagne lors de l’arrivée du monarque. Durant l’hommage sobre et sans discours, un poème de John Donne a été lu dans les langues des victimes et des chansons comme Imagine de John Lennon ont été jouées. Afin de ne pas se retrouver aux côtés du souverain, persona non grata pour les séparatistes depuis son discours très ferme contre eux en octobre, des associations indépendantistes ont organisé vendredi des hommages parallèles aux victimes. Dans ce climat, Pedro Sanchez a insisté dans un tweet sur la nécessité « d’unité de toute la société espagnole » qui « nous rend forts face au terrorisme et à la barbarie ».
Équipée meurtrière
Le 17 août 2017, à 16h30, Younes Abouyaaqoub, Marocain de 22 ans, s’est lancé sur les Ramblas au volant d’une camionnette, tuant 14 personnes dont un Australien de 7 ans et un Espagnol de 3 ans, et en blessant une centaine d’autres. « J’ai eu beaucoup de chance car je suis parti une demi-heure avant mais ma mère était encore là et elle est toujours très affectée », a témoigné vendredi Fidel Poles, un des nombreux fleuristes des Ramblas, âgé de 33 ans. « Comme le monsieur du fleuriste d’en face. Il a vu une femme mourir et c’est toujours très dur pour lui ».
Fuyant ensuite dans une voiture dont il tua le conducteur, Abouyaaqoub fut abattu par la police après quatre jours de cavale, non loin de Barcelone. Quelques heures après l’attaque sur les Ramblas, cinq de ses complices l’ont imité dans la nuit du 17 au 18 août en fauchant des passants dans la station balnéaire de Cambrils, au sud de Barcelone, avant de les attaquer au couteau et de poignarder à mort une femme. Un jihadiste « m’a laissé le couteau planté dans le visage, à quinze centimètres de profondeur », a raconté jeudi Ruben Guiñazu, un Argentin de 55 ans. « Il m’a taillé les amygdales, les carotides, les cordes vocales, la langue… (…) J’ai cru que j’allais mourir ».
Ce double attentat a été revendiqué par Daech. Mais les enquêteurs ont cherché en vain jusqu’à présent des liens entre la cellule née à Ripoll au pied des Pyrénées catalanes, où un imam a radicalisé une dizaine de jeunes d’origine marocaine, et des responsables à l’étranger. Passés à l’acte dans l’improvisation après l’explosion accidentelle d’une villa où ils confectionnaient des explosifs, dans laquelle l’imam est mort, ces jihadistes se préparaient pour un attentat de bien plus grande envergure avec comme cibles potentielles, selon les enquêteurs, la basilique de la Sagrada Familia, le Camp Nou, stade du FC Barcelone, ou même la tour Eiffel.
Le Quotidien/AFP