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Avec ses nouveaux OGM, Monsanto attise les craintes de monopole


Au Luxembourg aussi, les agriculteurs ont manifesté (photo: le Quotidien)

Monsanto, en créant de nouvelles semences de soja et de coton génétiquement modifiées pour résister à un herbicide controversé, a ravivé les craintes d’une mainmise encore plus importante sur ces marchés au moment où le secteur ne cesse de se concentrer.

Le géant de l’agrochimie a développé ces graines pour permettre aux fermiers d’épandre abondamment sur leurs champs du dicamba, un produit chimique cousin du glyphosate et particulièrement efficace contre certaines mauvaises herbes, même quand le soja ou le coton est déjà sorti de terre.

Le succès a été immédiat: dès leur deuxième année de commercialisation, en 2017, les semences étaient utilisées sur plus de 20% des champs de soja aux États-Unis et environ la moitié des champs de coton.

Dans sa volonté d’inonder le marché, le géant de l’agrochimie a gagné mardi une bataille dans l’Arkansas: les législateurs de l’État ont décidé de ne pas suivre les recommandations d’une agence qui préconisait de limiter drastiquement l’utilisation de ce produit.

Les nouvelles versions du dicamba commercialisées par Monsanto, BASF et DowDupont, auraient en effet tendance à s’éparpiller involontairement dans le champ des voisins.

Certains agriculteurs ont du coup acheté les nouvelles semences de Monsanto juste pour se protéger de l’herbicide.

D’autres n’avaient pas l’intention d’utiliser le dicamba sur leurs plantes mais se sont laissés convaincre par les promesses de meilleurs rendements apportées par les diverses modifications génétiques incorporées dans les nouvelles graines.

Nathan Reed, agriculteur dans l’Arkansas (sud des États-Unis) s’inquiète lui de voir les productions bio ou non génétiquement modifiée être mises en péril.

Sur son exploitation, « on utilise majoritairement des semences non-OGM, non parce que nous sommes anti-OGM mais parce qu’on a trouvé un marché de niche », expliquait-il récemment lors d’une réunion publique sur le dicamba. Une autorisation sans restriction du dicamba « menacerait notre capacité à le faire ».

Le Missouri, le Minnesota ou le Dakota du Nord ont bien pris des mesures de restriction mais les agriculteurs peuvent encore épandre du dicamba au moins une ou deux fois en début de saison.

Nouveau Roundup

Le géant de l’agrochimie « mène depuis déjà un certain temps une stratégie visant à contrôler le marché des semences biotech. Avec le dicamba, c’est une nouvelle étape dans cette direction », estime Kyle Stiegert, économiste spécialisé en agriculture à l’université du Wisconsin.

L’entreprise, explique-t-il, a comme ses principaux concurrents multiplié au cours des vingt dernières années les acquisitions de plus petits fabricants de semences. Monsanto est lui-même en train de fusionner avec son concurrent allemand Bayer et les deux groupes contrôlent notamment environ 60% du marché des semences de coton aux États-Unis.

« Ils peuvent maintenant décider dans quelles variétés ils incluent telle ou telle technologie, et les agriculteurs n’ont pas vraiment le choix », remarque l’économiste.

« On laisse de grosses entreprises dicter ce qui sera in fine disponible dans la chaîne alimentaire, c’est un vrai problème », estime-t-il.

Les agriculteurs ne sont forcés à rien, « il existe d’autres fabricants de semence », rétorque Scott Partridge, responsable de la stratégie mondiale chez Monsanto.

Leur nouvelle technologie est simplement meilleure et les éventuels problèmes d’éparpillement du dicamba dans les champs voisins vont se régler au fur et à mesure que les agriculteurs maîtriseront mieux les produits, assure-t-il.

Monsanto a de grandes ambitions pour ses nouvelles semences: en 2019, anticipe le groupe, elles seront utilisées sur plus de la moitié des champs de soja aux Etats-Unis. Pour inciter à leur adoption, d’importants rabais sont offerts.

Pour Marcia Ishii-Eiteman, du Réseau d’action contre les pesticides, Monsanto tente surtout de sauver les meubles après les problèmes rencontrés par son produit-phare, le Roundup, dont l’ingrédient actif est le fameux glyphosate.

Son usage a explosé dans le monde dans les années 1990 quand la firme américaine s’est mise à vendre des semences génétiquement modifiées pour résister à son action.

Mais les mauvaises herbes y deviennent de plus en plus résistantes et le glyphosate a été qualifié de « cancérogène probable » par un organe de l’Organisation mondiale de la santé. L’Union européenne envisage de l’interdire dans quelques années.

« Plutôt que de faire amende honorable, Monsanto répète les mêmes erreurs, se lançant dans une course contre la montre avec des concurrents comme Dow AgroScience pour introduire de nouvelles lignes de semences transgéniques résistantes à encore plus d’herbicides », déplore-t-elle.

Le Quotidien/ AFP