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Autriche : les sociaux-démocrates en quête d’un chef


Le vice-chancelier et chef des conservateurs Reinhold Mitterlehner à Vienne le 10 mai 2016. (Photo : AFP)

Les sociaux-démocrates autrichiens, après la démission du chancelier SPÖ Werner Faymann, ont quelques jours pour se trouver un nouveau chef et définir une stratégie face à l’extrême droite conquérante.

Le choix d’un dirigeant, au-delà des questions de personnes, s’accompagnera d’un débat sur les orientations politiques du parti et notamment sur une possible alliance «rouge-bleue» entre le centre-gauche et la droite nationaliste du FPÖ. L’ex-chancelier Werner Faymann, qui a surpris les milieux politiques viennois en lâchant lundi la direction du SPÖ et du gouvernement après huit ans de pouvoir, n’avait pas pris de position claire sur ce sujet.

La question d’une alliance avec le FPÖ agite fortement la sociale-démocratie autrichienne depuis que le premier tour de la présidentielle, le 24 avril, a donné une large avance au candidat de cette formation nationale populiste, Nobert Hofer. Les deux partis sociaux-démocrates et conservateurs (ÖVP), qui dominent la vie politique autrichienne depuis 1945, ont été laminés et n’auront pas de candidat au second tour, le 22 mai.

Emblématique du désaveu des formations traditionnelles dans une grande partie de l’Europe, ce cas de figure est inédit dans la vie politique autrichienne où les présidents ont toujours été issus d’un de ces deux partis ou élus avec leur soutien. Ebranlés par la défaite, les sociaux-démocrates sont «confus» et «désorientés», estime l’analyste Anton Pelinka, de l’université d’Innsbruck.

Ils se sont donné jusqu’à mardi prochain pour choisir leur nouveau patron qui sera logiquement promu dans la foulée au poste de chancelier puisque le SPÖ détient toujours le plus grand nombre de sièges au parlement. D’ici là, le vice-chancelier et chef des conservateurs Reinhold Mitterlehner assure l’interim à la tête du gouvernement. SPÖ et ÖVP sont alliés depuis 2008 au sein d’une coalition reconduite en 2013.

Maintenir la digue anti FPÖ ?

«Un visage neuf, quelqu’un d’extérieur au parti» pourrait donner un nouvel élan aux sociaux-démocrates, estime Karin Cvrtila de l’institut de sondages OGM. Dans cette perspective, deux des favoris pour prendre la tête du SPÖ sont l’actuel chef de la compagnie nationale ferroviaire ÖBB Christian Kern, 50 ans, et Gerhard Zeiler, 60 ans, un ancien responsable de la télévision publique ORF.

«Après huit ans de gouvernement laborieux, tout le monde a le sentiment qu’un nouveau départ était nécessaire depuis longtemps», observe mardi le quotidien conservateur Die Presse en soulignant l’avantage qu’aurait un nouveau chef étranger aux arcanes syndicales et partisanes. Quel qu’il soit, le futur patron de la sociale démocratie devra prendre la décision «importante» de maintenir la digue anti FPÖ ou bien d’examiner les possibilités d’alliance avec ce parti, explique Mme Cvrtila.

L’ancien chancelier Franz Vranitzky, le président de la puissante fédération de syndicat ÖGB Erich Foglar figurent parmi plusieurs poids lourds du parti qui se sont prononcés ces derniers jours pour une ouverture au parti d’extrême droite. Cette collaboration pourrait se révéler nécessaire si le FPÖ, en tête des sondages, remportait les prochaines législatives. La mandature du parlement actuel court jusqu’en 2018 mais des élections anticipées ne sont pas exclues par les analystes.

Nobert Hofer, qui affrontera au deuxième tour de la présidentielle l’ex-patron des Verts Alexander Van der Bellen, a également exprimé son souhait de rénover la fonction de chef de l’Etat qui, en théorie, lui donne de larges pouvoirs comme celui de révoquer le gouvernement et de dissoudre le parlement. La question d’une alliance avec le FPÖ n’est pas tabou en Autriche où les sociaux-démocrates ont déjà gouverné avec lui entre 1983 et 1986. Le FPÖ (parti de la liberté d’Autriche) est aussi allié au SPÖ depuis un an au sein de l’exécutif régional du Burgenland (est).

L’ancien parti de Jörg Haider, qui a également gouverné avec les conservateurs entre 2000 et 2006, est perçu comme un parti normal en Autriche. Mais une ouverture au FPÖ pourrait être fatale à l’unité des sociaux-démocrates, avertit le politologue Anton Pelinka, qui y voit une évolution «très dangereuse» risquant d’accroître l’érosion de leur électorat.

Le Quotidien/AFP