Dans les hôpitaux surchargés d’un Brésil débordé par la pandémie de Covid-19, les patients sont de plus en plus jeunes, un an après l’annonce du premier des plus de 285 000 décès provoqués par le virus.
« Le profil de nos patients a changé. Aujourd’hui, nous avons des personnes plus jeunes hospitalisées dans un état très grave, même si elles n’ont pas de comorbidités », explique Jaques Sztajnbok, responsable de l’unité de soins intensifs de l’hôpital Emilio Ribas de Sao Paulo.
Il surveille de près deux patients de 53 et 56 ans, tous deux intubés. Non loin de là, un jeune homme, qui n’est pas sous respiration artificielle, se tord de douleur. Il n’a que 26 ans.
Environ 29% des personnes décédées ces dernières semaines ont moins de 60 ans, contre 22% en novembre et en décembre.
Le début de la vaccination chez les personnes âgées est un facteur déterminant, mais elle n’explique pas tout.
D’autant moins que la campagne d’immunisation a commencé tardivement au Brésil, à la mi-janvier, et avance lentement à cause de l’insuffisance de doses.
« Dans certains Etats, la vaccination des plus de 75 ans est déjà terminée. Et en général, les personnes âgées restent davantage à la maison que les jeunes, qui circulent plus », a déclaré l’épidémiologiste Walter Ramalho, de l’Université de Brasilia, au site Poder 360.
Hospitalisations plus longues
L’occupation des lits de soins intensifs est supérieure à 80% dans 25 des 27 Etats du Brésil.
« La durée moyenne d’occupation d’un lit de soins intensifs a presque doublé, passant de 15 à 28 jours. Cela s’explique parce que nous recevons des patients plus jeunes, qui résistent plus longtemps à la maladie », a confié Graccho Alvim, président de l’association des hôpitaux privés de Rio de Janeiro, au journal O Globo.
Alors que la moyenne quotidienne de décès est supérieure à 2.000 sur les sept derniers jours, le nombre de jeunes tués par le virus ne cesse d’augmenter, semaine après semaine.
Un exemple emblématique: pour la première fois jeudi, la municipalité de Sao Paulo a annoncé qu’un patient était mort du Covid-19 faute de lit disponible en soins intensifs dans la mégalopole brésilienne. Son âge: 22 ans.
« La moitié de nos patients hospitalisés a moins de 60 ans », assure Carlos Pereira Junior, directeur de l’hôpital Emilio Ribas. Avant, les moins de 60 ans n’occupaient que 35% des lits de son établissement.
En un an, le nombre de lits de soins intensifs de cet hôpital de référence est passé de 12 à 60, mais cela reste insuffisant pour faire face à l’afflux incessant de nouveaux patients, causé en partie par la circulation du variant amazonien, plus contagieux.
Relâchement
La hausse des contaminations est aussi due à un relâchement de la population, surtout les plus jeunes.
« Il y a un an, je crois que la peur de cette maladie encore inconnue a contribué à une meilleure adhésion aux mesures de restriction, qui sont moins respectées actuellement. Les jeunes n’ont plus peur à présent », déplore Jaques Sztajnbok.
Dans les rues des grandes villes brésiliennes comme Sao Paulo ou Rio de Janeiro, il n’est pas rare de voir des gens sans masques et la distanciation sociale est loin d’être respectée dans les transports publics ou les bars bondés.
Des couvre-feu ont été instaurés dans de nombreuses villes et la police mène des rondes nocturnes pour débusquer les fêtes clandestines.
Gabriel « Gabigol » Barbosa, 24 ans, attaquant-vedette de Flamengo, le club de football le plus populaire du pays, a été interpellé dans la nuit de samedi à dimanche dans un casino clandestin à Sao Paulo.
De nombreux jeunes actifs, particulièrement dans le secteur informel, ont aussi dû continuer d’aller travailler pour survivre, en dépit de la forte circulation du virus.
Le gouverneur de l’Etat de Sao Paulo Joao Doria, qui a durci les mesures de restriction ces dernières semaines, n’écarte pas l’idée d’un confinement total dans l’Etat qui est la locomotive économique du Brésil.
Mais cette mesure drastique est difficile à mettre en place dans un pays où le président Jair Bolsonaro est farouchement opposé aux restrictions en raison de leur impact économique et minimise l’ampleur de la catastrophe sanitaire.
AFP