Le Sri Lanka a reconnu mercredi une « défaillance » en matière de sécurité de l’État, incapable d’empêcher les attentats jihadistes du dimanche de Pâques qui ont tué près de 360 personnes, malgré des informations préalables de la communauté du renseignement.
La gestion des autorités dans les jours ayant précédé ces attentats suicides, revendiqués par le groupe État islamique, fait l’objet de critiques grandissantes, dans un contexte politique de lutte de pouvoir acharnée entre le président et le Premier ministre. Des kamikazes ont provoqué un carnage dimanche matin dans trois hôtels de luxe et trois églises, en pleine messe de Pâques, à Colombo et ailleurs dans ce pays de 21 millions d’habitants. Un projet d’attentat contre un quatrième hôtel de luxe de la capitale a échoué.
Une note prophétique d’avertissement, il y a quinze jours, prévenant que le mouvement islamiste local National Thowheeth Jama’ath (NTJ) préparait des attentats, n’a pas été communiquée au chef de gouvernement et à des ministres de haut rang. L’alerte se basait sur des éléments transmis par « une agence de renseignement étrangère » et avait été diffusée aux services de police. « Il y a clairement eu une défaillance de la communication de renseignements. Le gouvernement doit prendre ses responsabilités car si l’information avait été transmise aux bonnes personnes, cela aurait pu permettre d’éviter ou minimiser » ces attentats, a reconnu mercredi le vice-ministre de la Défense, Ruwan Wijewardene.
Nouvelles arrestations
Tandis que les cimetières sri-lankais assistaient à un défilé ininterrompu de funérailles de victimes de ces attentats, parmi les plus meurtriers au monde depuis le 11 septembre 2001, l’île d’Asie du Sud poursuivait mercredi sa gigantesque traque de suspects. Lors de raids nocturnes, les forces de sécurité ont arrêté 18 personnes supplémentaires, qui s’ajoutent aux 40 interpellées depuis dimanche. Le bilan humain s’est encore alourdi, passant de 320 à 359 morts, avec quelque 500 blessés.
Les autorités ont attribué le bain de sang au groupe NTJ, qui ne l’a pas revendiqué, et n’ont pas encore confirmé officiellement l’implication de Daech. Dans une conférence de presse mercredi, le vice-ministre de la Défense a déclaré que les attaques auraient été perpétrées par une « faction dissidente » du NTJ, sans autres détails. « Le leader, la personne qui menait l’attaque, est l’un des kamikazes et est mort », a-t-il déclaré, précisant que celui-ci s’était fait exploser à l’hôtel Shangri-La de Colombo.
Daech a revendiqué mardi ces attentats via son agence de propagande Amaq. Il s’agit de l’opération à l’étranger (hors Syrie et Irak) la plus meurtrière revendiquée par l’organisation depuis la proclamation en juin 2014 de son « califat », qui s’est effondré en mars après de multiples offensives. Sur une photo diffusée avec le communiqué, dont l’authenticité n’a pu être vérifiée de source indépendante, huit hommes, dont sept au visage couvert et trois portant des couteaux, posent devant le drapeau noir du groupe jihadiste.
Neuf kamikazes
Le gouvernement sri-lankais a annoncé mercredi que « neuf kamikazes » au total avaient péri au cours de cette journée. Huit ont été identifiés mais leurs noms n’ont pas été révélés. Sur les huit sites où des bombes ont explosé dimanche, six – trois églises à Colombo, Negombo et Batticaloa ainsi que trois hôtels de luxe à Colombo – ont été frappés en début de matinée par des attentats suicides. Des explosions ultérieures se sont produites à la mi-journée en deux lieux distincts de la périphérie de Colombo : elles sont le fait de suspects qui se sont suicidés pour échapper à l’arrestation. L’un d’eux était chargé de commettre un attentat dans un quatrième hôtel de luxe, adjacent aux autres, mais ne s’y est pas fait exploser pour une raison indéterminée. Cerné par les forces de l’ordre quelques heures plus tard dans la banlieue sud de Dehiwala, le suspect s’est alors fait exploser.
A peu près au même moment, deux personnes – un homme et une femme – se sont fait exploser dans une opération policière au domicile de suspects dans la banlieue nord de Orugodawatta, ont indiqué mercredi à l’AFP des sources proches de l’enquête. Le sort du leader présumé du NTJ, Zahran Hashim, est inconnu pour le moment. « La plupart » des kamikazes « sont éduqués et viennent de la classe moyenne ou la classe moyenne supérieure donc ils sont assez indépendants financièrement et leurs familles sont assez stables, ce qui est un facteur inquiétant », a rapporté Ruwan Wijewardene.
L’un des assaillants a étudié en Grande-Bretagne et effectué des études universitaires supérieures en Australie, a-t-il indiqué. Le manque de transmission d’informations cruciales au sein de l’État sri-lankais pourrait relancer la crise à la tête du pays. La police est en effet du ressort du président Maithripala Sirisena, qui est en conflit ouvert avec le chef de gouvernement Ranil Wickremesinghe. Le premier avait limogé le second à l’automne mais avait été forcé de le réinvestir après sept semaines de chaos politique.
Le président a annoncé qu’il procéderait dans la journée à « des changements importants » à la tête des forces de sécurité.
LQ/AFP