La deuxième phase du procès de Djokhar Tsarnaev, reconnu coupable des attentats du marathon, s’ouvre mardi dans la ville américaine de Boston (nord-est), avec la peine de mort en ligne de mire pour l’ancien étudiant de 21 ans.
Ces derniers jours, plusieurs de ses victimes ont fait savoir qu’elles n’y étaient pas favorables, préférant la réclusion à perpétuité pour diverses raisons. Sauf coup de théâtre, cette deuxième partie de procès, qui s’ouvre au lendemain de l’édition 2015 du marathon de Boston qui a rassemblé sans incident quelque 30.000 coureurs, devrait prendre de trois à quatre semaines. Pour obtenir la peine capitale contre le jeune musulman d’origine tchétchène, l’accusation va devoir convaincre les 12 jurés de l’existence de «facteurs aggravants», tels le choix du lieu, le manque de remords de Tsarnaev, la vulnérabilité de certaines victimes, ou encore la cruauté de ces attentats qui avaient fait trois morts et 264 blessés le 15 avril 2013.
La défense, à l’inverse, va plaider les circonstances atténuantes et devrait revenir sur son enfance déracinée, son jeune âge, son absence d’antécédents judiciaires, et surtout l’emprise de son frère aîné Tamerlan, auto-radicalisé, qui selon elle était le cerveau des attentats. Sans Tamerlan, depuis décédé, il n’y aurait pas eu d’attentats, avait-elle déclaré durant la première phase du procès, tout en reconnaissant l’implication de Djokhar Tsarnaev. Les mêmes jurés qui vont devoir décider de sa sentence ont le 8 avril reconnu l’ex-étudiant coupable des 30 chefs d’accusation retenus contre lui, dont 17 passibles de la peine capitale, pour ces attentats, les plus graves depuis le 11-Septembre aux Etats-Unis.
Comme durant la première phase, accusation et défense vont présenter leurs témoins, après les déclarations d’ouverture mardi. Aucune précision n’a été donnée sur leur identité. «Je m’attends à ce qu’il y ait beaucoup de témoins», a déclaré à l’AFP le professeur Albert Scherr, expert de la peine de mort à l’université du New Hampshire. «Je pense que nous entendrons beaucoup plus la défense, sur qui est l’accusé, son jeune âge, ce qu’a été sa vie, ce qu’a été sa relation à son frère», a-t-il ajouté. Tsarnaev, pâle et maigre, parlera-t-il, lui qui a écouté impassible les témoignages même les plus déchirants ? Ses soeurs qui vivent aux Etats-Unis viendront-elles témoigner ?
Des victimes veulent la perpétuité
Les parents de Martin Richard, 8 ans, la plus jeune des victimes dont la mort a été très largement évoquée par les procureurs, ont indiqué dans une lettre ouverte vendredi dernier qu’ils étaient contre la peine capitale pour Tsarnaev. Ils ont expliqué qu’ils redoutaient des années d’appel, qui prolongeraient d’autant leur douleur et celle de leurs enfants qui ont survécu. Ils se sont dits favorables à un accord par lequel Djokhar Tsarnaev serait condamné à perpétuité, sans libération possible, s’il renonce à tous ses droits en appel.
Dimanche, deux autres victimes amputées ont aussi expliqué qu’elles refusaient la peine de mort. «S’il y a quelqu’un qui mérite la punition ultime, c’est l’accusé. Mais nous devons dépasser l’instinct de vengeance» ont écrit Jessica Kensky et Patrick Downes, jeunes mariés en 2013. Jessica Kensky a du être amputée des deux jambes, son mari en a perdu une. Dans un communiqué, le couple s’est également dit favorable à la réclusion à perpétuité, «qui assure qu’il disparaît de notre conscience collective dès que possible».
La procureure fédérale de Boston, Carmen Ortiz, s’est déclarée «profondément» soucieuse du point de vue des victimes. Mais la décision de retirer la peine de mort de la table reviendrait au ministre de la Justice Eric Holder. La peine capitale n’existe plus depuis 1984 dans le Massachusetts, dont Boston est la capitale. Personne n’y a été exécuté depuis 1947. Les évêques de cet Etat ont aussi récemment rappelé qu’ils y étaient opposés. Mais Tsarnaev relève de la justice fédérale, et non de celle de l’Etat du Massachusetts.
S’il devait être condamné à mort, il rejoindrait un relativement petit groupe de condamnés à mort fédéraux: seulement 38 depuis 2004. Et la probabilité qu’il soit exécuté est faible: quatre condamnés fédéraux ont été exécutés depuis 50 ans, dont Timothy McVeigh, l’auteur de l’attentat d’Oklahoma City en avril 1995, qui avait renoncé à tous ses appels.
AFP