La Russie a accusé jeudi les États-Unis d’avoir commandité l’attaque présumée de drones ukrainiens contre le Kremlin qu’elle affirme avoir déjouée la veille, « un mensonge » selon Washington qui nie toute implication.
Au milieu des échanges d’accusations, le président ukrainien Volodymyr Zelensky a réclamé de La Haye, où il est en visite surprise, la création d’un tribunal international spécial pour juger le « crime d’agression » que Moscou a selon lui commis contre l’Ukraine.
Justement, sur le terrain, les bombardements russes redoublent d’intensité depuis plusieurs jours : Kiev, qui affirme achever ses préparatifs en vue d’une grande offensive, a dit avoir abattu jeudi une trentaine de drones explosifs envoyés par la Russie.
Mais ce sont d’autres drones qui ont d’abord marqué les esprits : mercredi, Moscou a affirmé avoir intercepté deux appareils ukrainiens qui visaient le Kremlin, dénonçant une tentative d’assassiner le président Vladimir Poutine.
Un jour après, un grand flou entoure toujours cette attaque supposée, la plus spectaculaire imputée à Kiev depuis le début de l’offensive russe en février 2022.
Les autorités russes n’ont rendu publique aucune preuve et il est impossible d’authentifier les vidéos diffusées par certains médias russes sur lesquelles on peut voir un petit drone s’approchant du Kremlin avant d’exploser dans une gerbe de flammes.
L’Ukraine a en tout cas fermement démenti tout lien avec cette affaire, accusant même la Russie de l’avoir « mise en scène » pour justifier une possible escalade à venir du conflit, là aussi sans apporter d’éléments probants.
« Les efforts de Kiev et de Washington pour nier toute responsabilité sont totalement ridicules. Les décisions concernant de telles attaques ne sont pas prises à Kiev mais à Washington », a déclaré jeudi le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, sans toutefois étayer ses accusations.
Les États-Unis « n’ont rien à voir dans cette affaire », a rétorqué sur MSNBC John Kirby, le porte-parole du Conseil de sécurité nationale de la Maison Blanche. Peskov « ment, purement et simplement », a-t-il poursuivi.
Sécurité « renforcée »
La capitale russe est située à quelque 500 kilomètres de la frontière ukrainienne et le Kremlin se trouve dans un quartier ultrasécurisé. Les accusations russes portant sur une incursion présumée de drones ukrainiens ont ainsi surpris nombre d’analystes.
La télévision publique russe a diffusé jeudi des images montrant, selon elle, Poutine au cours d’une réunion de travail dans l’enceinte du Kremlin, sa première apparition publique depuis l’annonce de l’attaque supposée.
Les mesures de sécurité vont être « renforcées », a assuré Peskov, tandis que se profilent les célébrations du 9 mai marquant la victoire sur l’Allemagne nazie en 1945.
À Moscou, le grand défilé militaire prévu pour ce jour-là sur la place Rouge est maintenu et Poutine y prononcera un discours, selon son porte-parole.
Alors que Moscou minimise habituellement les attaques sur son sol, le ministère russe des Affaires étrangères a estimé jeudi que « les activités terroristes et de sabotage des forces armées ukrainiennes » prenaient « une ampleur sans précédent ».
Les attaques se sont en effet multipliées ces derniers jours, avec en particulier plusieurs attaques de drones et de spectaculaires sabotages ferroviaires.
Jeudi, des drones ont ainsi frappé deux raffineries de pétrole dans le sud-ouest de la Russie, près de l’Ukraine.
Si Kiev n’a revendiqué aucune de ces actions, comme à son habitude, leur intensification intervient à un moment où l’Ukraine affirme avoir terminé ses préparatifs en vue d’une vaste offensive de printemps annoncée depuis des semaines.
Les rumeurs vont bon train parmi les analystes sur la date de cet assaut et sur ses cibles, avec en tout cas le but affiché de reconquérir les territoires occupés dans l’est et le sud.
Kiev et Odessa visées
Pendant son déplacement à La Haye, où siège la Cour pénale internationale (CPI), Zelensky a appelé à créer un tribunal spécial pour punir le « crime d’agression » russe, « le début du mal », a-t-il martelé.
Il a aussi dit que l’Ukraine, « réaliste », ne s’attendait pas à entrer dans l’Otan tant que le conflit continuerait à faire rage, tout en pressant ses alliés occidentaux de poursuivre « le plus rapidement possible » les livraisons d’armes.
Jeudi, la Russie a mené une nouvelle série d’attaques en lançant « 24 drones Shahed 136/131 » sur Kiev et « 15 » autres sur Odessa, la grande ville portuaire du sud-ouest, selon les autorités ukrainiennes.
Celles-ci ont assuré que 18 drones avaient été « abattus » au-dessus de Kiev et 12 dans le ciel d’Odessa. Les engins qui ont percé la défense antiaérienne n’ont quant à eux apparemment pas fait de victimes.
La veille, la ville de Kherson, avait été la cible de bombardements « massifs » ayant provoqué la mort de 23 personnes et en ayant blessé 46, d’après un dernier bilan officiel.
Jeudi, le chef de la diplomatie européenne, Josep Borrell, a exhorté Moscou à ne pas utiliser l’attaque présumée de drones la veille contre le Kremlin « comme une excuse pour poursuivre l’escalade » dans le conflit.