Le suspect de l’attaque contre des militaires à Levallois-Perret (Hauts-de-Seine), blessé par balles, était toujours hospitalisé jeudi au CHU de Lille, alors que le débat est relancé sur l’opération Sentinelle et les risques encourus par les soldats dans la lutte antiterroriste.
Hamou B., un Algérien de 36 ans, touché par cinq balles lors de son interpellation mercredi, «n’est pas encore audible», a déclaré une source policière, au lendemain de cette sixième attaque contre Sentinelle depuis les attentats jihadistes de 2015. En raison de son état de santé, sa garde à vue avait été rapidement levée. Elle reprendra quand les médecins jugeront son état compatible avec cette mesure.
L’homme, qui n’est pas fiché S («sûreté de l’Etat»), était jusque-là seulement connu pour une infraction à la législation sur les étrangers, selon la source policière. Mais il est actuellement en situation régulière. Les enquêteurs ont découvert l’identité de Hamou B. lors de son interpellation «musclée» dans l’après-midi sur l’A16 dans le Pas-de-Calais, quelques heures après qu’il eut renversé six soldats de l’opération Sentinelle à Levallois-Perret.
La police s’attache désormais à «exploiter les éléments» découverts lors des perquisitions effectuées mercredi, notamment à son domicile de Bezons (Val d’Oise) où ce chauffeur de VTC menait une vie discrète et habitait dans un immeuble d’un quartier résidentiel, selon des témoignages de voisins. «Les premiers éléments mettent en évidence un profil plutôt solitaire», selon une source proche de l’enquête. Il n’y a pas eu d’interpellations, seulement des auditions libres de proches. C’est le «choix de la cible, la préméditation manifeste et la fuite» qui ont convaincu la section antiterroriste de se saisir de l’affaire, a indiqué une source judiciaire.
« Remettre à plat »
Cette nouvelle attaque a relancé le débat sur l’opération Sentinelle, qui mobilise 7 000 soldats en permanence depuis 2015. Pour des experts, ces militaires sont désormais surtout des «cibles». Le 14 juillet, le président Emmanuel Macron a annoncé que le dispositif allait être revu «en profondeur». «Ce n’est pas l’opération la plus opportune car la plupart des interventions visent (pour les militaires, ndlr) à se protéger soi-même», a déclaré la députée de La France insoumise Clémentine Autain sur franceinfo.
«Le dispositif est évidemment à remettre à plat», a estimé le député LR Daniel Fasquelle. Les militaires «ne sont pas formés» pour ce genre de mission, a-t-il ajouté sur RMC. «Il faut avant tout annuler la baisse du budget de l’armée», a affirmé Florian Philippot, vice-président du FN, en référence aux coupes controversées de 850 millions d’euros dans les crédits de la défense en 2017. Sentinelle «montre la contribution de l’armée française, de l’armée de terre à la sécurité du pays», a plaidé sur RFI le président de l’Assemblée nationale François de Rugy (REM). «La défense du territoire national fait partie des missions de l’armée».
Le député PS Stéphane Le Foll, ancien porte-parole du gouvernement Hollande, qui avait mis en place Sentinelle, a réclamé sur France Inter de la «cohérence» concernant ces militaires déployés dans les rues : «Dire du jour au lendemain qu’on les ferait disparaître, ce n’est pas la solution». La commission d’enquête parlementaire sur les attentats de 2015, dans ses conclusions rendues en juillet 2016, s’interrogeait déjà sur l’efficacité du dispositif et proposait de «revoir à la baisse le volume des effectifs engagés» en se concentrant sur «certains points stratégiques».
Devant la commission défense de l’Assemblée il y a trois semaines, le chef d’état-major de l’armée de Terre, le général Jean-Pierre Bosser, s’est dit favorable à un redimensionnement de la mission à «3 000 hommes répartis sur des points clés», plus «3 000 autres en réserve» et «3 000 autres» qui se consacreraient à «l’anticipation», soit la préparation de scénarios inédits de crise. Depuis janvier 2015, la France a été visée par une vague d’attentats jihadistes qui a fait 239 morts. Les derniers ont visé les forces de l’ordre, sur des sites parisiens emblématiques. Le samedi 5 août peu avant minuit, un jeune homme armé, souffrant de problèmes psychiatriques, avait forcé un contrôle à la Tour Eiffel. Il a affirmé qu’il voulait «commettre un attentat contre un militaire», avant d’être à nouveau hospitalisé en psychiatrie.
Le Quotidien/AFP