Au moins 86 civils ont été tués mardi dans une attaque chimique présumée sur la ville rebelle de Khan Cheikhoun, en Syrie, qui a provoqué l’indignation de nombreuses capitales qui mettent en cause le régime de Bachar al-Assad.
Une attaque chimique présumée a fait mardi au moins 86 morts, dont des enfants, et quelque 400 victimes, dans une ville rebelle en Syrie. Il s’agit du dernier bilan fourni mercredi en fin de journée par l’Union des Organisations de Secours et Soins Médicaux (UOSSM), citée par l’agence Reuters. Le précédent bilan s’élevait à 58 morts et 170 blessés.
Cette attaque aérienne a provoqué une vague d’indignation internationale, Paris et Londres pointant du doigt le régime de Bachar al-Assad et réclamant une réunion d’urgence du Conseil de sécurité de l’ONU. Celui-ci se réunira mercredi en séance extraordinaire.
Les frappes ont visé très tôt un quartier de Khan Cheikhoun, une petite ville située dans la province d’Idleb, dans le nord-ouest de la Syrie, place forte des rebelles et des jihadistes. « Nous avons entendu des bombardements (…) Nous avons accouru dans les maisons et il y avait des familles mortes dans leur lits. On a vu des enfants, des femmes et des hommes morts dans les rues », a raconté un témoin, Abou Moustapha.
« Pupilles dilatées »
Des vidéos de militants anti-régime ont montré des corps sans vie sur la chaussée, d’autres pris de spasmes et de crises de suffocation. Les victimes « ont les pupilles dilatées, des convulsions, de la mousse sortant de la bouche », a expliqué Hazem Chahwane, un secouriste dans l’un des hôpitaux de la ville.
Au moins 11 enfants figurent parmi les 100 morts, selon l’Observatoire syrien des droits de l’Homme (OSDH). Il s’agit de « la deuxième attaque chimique la plus meurtrière du conflit en Syrie » après celle ayant fait plus de 1.400 morts en 2013 près de Damas, a précisé cette ONG, qui n’était pas en mesure de déterminer la nature du gaz toxique utilisé.
L’envoyé spécial des Nations Unies pour la Syrie Staffan de Mistura a déclaré que l’ONU allait chercher à « clairement identifier les responsabilités » et à faire « rendre des comptes » aux auteurs de cette attaque « chimique ». L’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC) a pour sa part indiqué « rassembler et analyser des informations de toutes les sources disponibles ».
Démenti catégorique
« Le commandement de l’armée dément catégoriquement avoir utilisé toute substance chimique ou toxique à Khan Cheikhoun aujourd’hui (mardi) (…) Il souligne qu’il n’en a jamais utilisé, à aucun moment, à aucun endroit et ne le fera pas dans l’avenir », a indiqué l’armée syrienne dans un communiqué.
Le régime n’avait pas officiellement réagi en fin de journée, mais une source de sécurité à Damas a dénoncé une « calomnie ». « Les hommes armés tentent de remporter une (victoire) médiatique après avoir échoué à remporter (une victoire) sur le terrain », a-t-il ajouté, en faisant référence aux groupes rebelles.
L’armée russe, principale soutien du régime, a affirmé n’avoir mené aucun raid aérien dans la zone touchée.
Pour l’opposition syrienne, il ne fait pas de doute que le régime a utilisé des « obus contenant du gaz chimique ». Ce « crime horrible » rappelle l’attaque de l’été 2013 que la communauté internationale avait « laissé impunie », a-t-elle dénoncé. L’opposition a prévenu que cette attaque « remettait en cause » le très fragile processus de paix engagé ces derniers mois à Genève pour tenter de mettre fin au conflit de six ans.
La Maison Blanche a dénoncé avec force « l’attaque chimique » menée selon elle par le régime de Bachar al-Assad, jugeant qu’elle était « intolérable ». « L’attaque chimique perpétrée aujourd’hui en Syrie contre des innocents, y compris des femmes et des enfants, est répréhensible », a déclaré Sean Spicer, porte-parole de Donald Trump, dénonçant « un acte odieux » du régime Assad.
Pour le président français François Hollande, « une fois encore le régime syrien va nier l’évidence de sa responsabilité dans ce massacre ». « Si nous ne pouvons pas encore être certains de ce qui s’est passé, cela a toutes les caractéristiques d’une attaque du régime qui a utilisé de façon répétée des armes chimiques », a déclaré de son côté le ministre britannique des Affaires étrangères Boris Johnson.
Hôpital bombardé
À Khan Cheikhoun, le correspondant de l’AFP a vu des soignants tenter de secourir une fillette, mais en vain. Son père, écrasé par la douleur, l’a prise dans ses bras, a embrassé son visage et l’a portée dans ses bras hors de l’hôpital. Le journaliste a vu des patients avec de la mousse sortir de leur bouche. Certains d’entre eux étaient aspergés d’eau par les médecins qui tentaient de les réanimer.
L’hôpital dans lesquels ils étaient soignés a été bombardé mardi à deux reprises, provoquant d’importantes destructions et la fuite précipitée de médecins.
Le gouvernement syrien dément utiliser des armes chimiques dans une guerre qui a déjà fait plus de 320.000 morts depuis mars 2011. Il a ratifié la Convention sur l’interdiction des armes chimiques en 2013. En octobre 2016, le Conseil de sécurité avait reçu un rapport concluant que l’armée syrienne avait mené une attaque à l’arme chimique, sans doute du chlore, à Qmenas, dans la province d’Idleb, le 16 mars 2015.
Après l’attaque de 2013, un accord russo-américain sur le démantèlement de l’arsenal chimique syrien avait écarté in extremis la menace de frappes américaines contre le régime. Au moment où les espoirs de paix restent faibles, Bruxelles accueille jusqu’à mercredi une conférence internationale sur l’avenir du pays mais certains acteurs clés du conflit, comme la Turquie ou la Russie, ne devraient pas y être représentés au plus haut niveau.
Le Quotidien / AFP