En pleines négociations avec ses créanciers, le gouvernement grec de gauche radicale a fait voter mercredi, avec le soutien de l’opposition, sa première loi depuis son arrivée au pouvoir, destinée à soulager les plus durement touchés par la crise.
Alexis Tsipras, le 13 mars 2015 à Athènes. (Photo : AFP)
Cette loi répond aux promesses électorales du gouvernement issu des législatives de fin janvier, et vise à secourir les foyers privés d’électricité ou faisant face à des problèmes de logement et de nourriture. Le débat au parlement sur le projet de loi, « le premier du gouvernement de salut national » comme l’a souligné dans son discours le Premier ministre Alexis Tsipras, s’est achevé par une approbation massive, les deux principaux partis d’opposition, Nouvelle Démocratie (conservateurs) et PASOK (socialistes) votant pour, aux côtés de la coalition Syriza-Grecs indépendants au pouvoir.
Mardi soir, le gouvernement avait soudain durci le ton contre la Commission européenne après des informations de presse affirmant que Bruxelles tiquait sur le vote du projet de loi, jugeant qu’il s’agissait d’une action « unilatérale » en désaccord avec l’accord de l’Eurogroupe du 20 février. Le porte-parole du gouvernement Gabriel Sakellaridis a dénoncé mercredi un « veto », une « pression ». Quelques heures plus tard, le commissaire européen Pierre Moscovici a dû expliquer la position de la Commission. Celle-ci défend « pleinement l’objectif d’aider les plus vulnérables » en Grèce et n’oppose « pas un quelconque veto » aux mesures d’urgence prise pour les plus pauvres, a-t-il assuré.
M. Tsipras, qui s’exprimait quelques heures après M. Moscovici, a estimé que le vote de la loi « répond avec détermination à certains de nos créanciers, à certains technocrates, qui disent que les mesures contre la crise humanitaire constituent une action unilatérale ». Mais il n’en a plus rajouté ensuite dans la polémique.
> Indices dans le rouge
La loi prévoit de rétablir le courant chez les ménages ne pouvant payer l’électricité et de leur fournir jusqu’à 300 kw/h d’électricité gratuite jusqu’à la fin de l’année. Jusqu’à 30.000 foyers vont aussi recevoir une aide au logement de 70 à 220 euros et 300.000 personnes une aide alimentaire. La loi comprend également des mesures pour des personnes qui ont perdu leur emploi ces derniers mois et sont privées de sécurité sociale.
Syriza ne cesse depuis deux ans de condamner la poursuite de la politique d’austérité, imposée au pays depuis l’éclosion de la crise en 2010, et qui a causé « une crise humanitaire », plongeant des centaines de milliers des citoyens dans la misère, en raison d’une explosion du chômage, du rabotage des salaires et des retraites et de la hausse des taxes. « Quand tous les indices sont dans le rouge, chômage, pauvreté etc, on ne fait que ce qui est nécessaire pour faire face à ces problèmes », a lancé à l’Assemblée mercredi le ministre de l’Emploi, Panos Skourletis.
Outre ces mesures sociales, la loi prévoit « la création d’un secrétariat général pour la lutte contre la corruption ». Ce secrétariat doit oeuvrer « pour renforcer les contrôles des organes gouvernementaux et renforcer leur rentabilité », stipule le texte adopté. Ce vote intervient en pleines négociations de la Grèce avec ses créanciers pour mettre sur les rails l’accord du 20 février qui prévoit une série de réformes par la Grèce.
Le pays attend en échange le versement de la dernière tranche de prêts européens au pays, environ 7 milliards d’euros, pour faire face à la pénurie financière qui le menace. M. Tsipras espère un règlement « politique » de ce dossier si possible en marge du sommet européen de jeudi et vendredi à Bruxelles. Il a demandé à rencontrer les principaux dirigeants de l’UE, notamment la chancelière allemande Angela Merkel (qu’il reverra lundi à Berlin) et le président français François Hollande.
Mercredi à Francfort, par ailleurs, des heurts violents ont eu lieu entre manifestants anti-austérité et forces de l’ordre déployées par milliers autour du nouveau siège de la Banque centrale européenne, perçu comme un artisan majeur des politiques de rigueur budgétaire imposées à certains pays européens, Grèce en tête. Et à Athènes, la Bourse chutait de plus de 4% mercredi sur fond d’incertitude sur le sort du pays.
AFP