Quelque trente pays vont lancer une initiative mardi à Paris, en présence du chef de la diplomatie américaine Rex Tillerson, afin de poursuivre les responsables d’attaques chimiques en Syrie et riposter ainsi à un veto russe à l’ONU.
Cette conférence ouvrira une nouvelle séquence diplomatique sur la crise syrienne avant la reprise des pourparlers de l’ONU jeudi à Vienne et le Congrès de paix initié par la Russie le 30 janvier à Sotchi. Elle se tiendra alors que le régime de Bachar al-Assad a été accusé lundi d’une nouvelle attaque chimique contre une enclave rebelle de la Ghouta orientale, à l’est de Damas. Les États-Unis ont dans la foulée critiqué le manque d’influence de la Russie sur son allié syrien.
La conférence sera suivie à Paris par une réunion sur la Syrie, une démarche conjointe des chefs de la diplomatie américaine Rex Tillerson et française Jean-Yves Le Drian « Il y aura des pays de la région, mais en très petit nombre, au niveau ministériel », a-t-on indiqué dans l’entourage du ministre, alors que le président français Emmanuel Macron plaide depuis des mois pour la création d’un groupe de contact sur la Syrie, réunissant les cinq membres du Conseil de sécurité de l’ONU (P5) et des pays de la région. Rex Tillerson et Jean-Yves Le Drian devaient s’entretenir en fin de matinée avant d’ouvrir à 14h la conférence contre l’impunité de l’utilisation d’armes chimiques.
Concrètement, les représentants de 29 pays vont s’engager à partager des informations et à établir des listes de personnes impliquées dans l’utilisation d’armes chimiques, en Syrie, où la guerre a fait plus de 340 000 morts depuis 2011, mais aussi ailleurs dans le monde. Cette initiative, lancée par Paris, intervient après un double veto russe au renouvellement du mandat d’experts internationaux sur l’emploi d’armes chimiques en Syrie. « Aujourd’hui la situation est bloquée au niveau le plus élevé de la communauté internationale », le Conseil de sécurité de l’ONU, déplore-t-on dans l’entourage de Jean-Yves Le Drian. « Il faut que les auteurs d’attaques chimiques sachent qu’ils peuvent être poursuivis et qu’on ne les lâchera pas ! », ajoute-t-on.
Au moins 130 attaques
La France a ainsi décrété mardi des gels d’avoirs contre 25 entités et responsables d’entreprises syriens mais aussi français, libanais ou chinois soupçonnés « d’alimenter le programme syrien de conception et réalisation d’armes chimiques », précise-t-on de même source. Il s’agit d’importateurs et distributeurs de métaux, d’électronique et de systèmes d’éclairage, selon deux arrêtés publiés dans le Journal officiel. Aucun responsable du régime n’est en revanche visé. « Nous n’avons pas aujourd’hui d’éléments permettant d’engager cette démarche au niveau des autorités politiques syriennes », concède-t-on au Quai d’Orsay.
Au moins 130 attaques chimiques ont été perpétrées en Syrie entre 2012 et 2017, selon une évaluation française. Les enquêteurs de l’ONU et de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC) ont conclu à la responsabilité du régime syrien dans quatre d’entre elles, dont l’une au sarin a tué au moins 80 personnes le 4 avril 2017 à Khan Cheikhoun. La Russie, qui soutient militairement le président syrien Bachar al-Assad, accuse de son côté les enquêteurs de partialité. Daech est aussi soupçonné d’avoir utilisé du gaz moutarde en Syrie et en Irak.
La Russie est aussi à la manœuvre avec une initiative de paix, associant Iran et Turquie, qu’elle espère concrétiser le 30 janvier à Sotchi alors que les pourparlers sous l’égide de l’ONU piétinent. Les États-Unis ont annoncé de leur côté le 17 janvier que l’armée américaine resterait en Syrie jusqu’à ce que Daech soit totalement vaincu mais aussi pour contrer l’influence iranienne et aider à chasser Bachar al-Assad. La France, deuxième contributeur à la coalition sous commandement américain, souhaite aussi jouer un rôle dans le processus de paix.
Le Quotidien/AFP