Pour la première fois, un président des États-Unis a rendu hommage aux victimes de la dictature argentine (1976-1983): Barack Obama a prononcé un symbolique «plus jamais ça» le jour des commémorations des 40 ans d’un coup d’État appuyé par Washington.
Au Parc de la Mémoire de Buenos Aires, au bord du Rio de la Plata, le président américain a annoncé officiellement l’ouverture d’archives militaires et de la CIA sur la dictature la plus sanglante de l’histoire de l’Argentine.
Dans un discours qui fera date, M. Obama a loué «le courage, la ténacité, des familles, des épouses, des frères, des enfants qui ont refusé d’abandonner leur lutte pour la justice et la vérité», citant les Mères et les Grands-Mères de la Place de Mai, symboles de la lutte contre la dictature. Par milliers, des opposants au régime militaire ont été arrêtés, emprisonnés, torturés et éliminés. Plutôt que de remettre les dépouilles aux familles, les militaires les ont fait disparaître. Pensant que les militaires étaient le meilleur rempart contre l’avancée de mouvements de gauche ayant souvent fait le choix de la lutte armée, Washington a soutenu de nombreuses dictatures en Amérique latine.
« Autocritique light »
Comme son homologue français François Hollande l’avait fait il y a un mois, Barack Obama a lancé des fleurs dans le Rio de la Plata, l’estuaire bordant Buenos Aires qui se jette dans l’Atlantique, un hommage aux opposants précipités encore en vie depuis des avions militaires, durant les tristement célèbres «vols de la mort». Lors d’une conférence de presse conjointe, les chefs d’Etat argentin et américain ont tour à tour dit «plus jamais ça», reprenant un slogan répété depuis les années 1980 par les familles de victimes qui demandent des comptes aux militaires et à ceux qu’ils jugent complices, l’Église et les États-Unis.
Dans la foulée de Washington, un porte-parole du Vatican a assuré que l’ouverture des archives de l’Eglise était proche. Pendant son séjour en Argentine, Barack Obama n’aura pas explicitement fait de mea culpa, demandé pardon aux Argentins ou admis de lien de son pays avec la dictature. Il a cependant souligné que l’époque des changements forcés était révolue, que les États-Unis, n’étaient «pas à court d’autocritique».
Les associations des Mères et Grands-Mères de la Place de Mai, qui n’avaient pas souhaité se rendre au Parc de la Mémoire, ont réagi par la voix de Taty Almeida qui a jugé insuffisants les propos d’Obama. «L’autocritique était totalement light», a-t-elle commenté. En revanche, elle s’attend à ce que l’ouverture des archive permettent de retrouver des enfants volés de la dictature.
Lors de la précédente visite d’un chef d’Etat américain à Buenos Aires, Bill Clinton en 1997, la question de la dictature n’était pas au programme de la visite. Les militaires bénéficiaient à l’époque d’une loi d’amnistie. Depuis, les ex-présidents Nestor et Cristina Kirchner ont imposé en Argentine un devoir de mémoire. Les militaires ont été jugés et des centaines d’entre eux purgent actuellement des peines de prison. Le premier chef de la junte, Jorge Videla, est mort dans sa cellule.
Randonnée dans la Cordillère des Andes
A Buenos Aires, des dizaines de milliers de personnes ont participé aux traditionnelles manifestations du Jour de la mémoire, 40 ans après le coup d’État du 24 mars 1976. Une fois la visite officielle terminée, Obama s’est envolé pour Bariloche, dans la Cordillère des Andes, pour une randonnée en montagne, dans le Parc national Nahuel Huapi, et une promenade en bateau sur le lac éponyme. Il devait repartir dans la soirée pour Washington, concluant une visite de quatre jours en Amérique latine, placée sous le signe de la réconciliation, aussi bien à Cuba qu’en Argentine.
En Argentine, après douze années d’une présidence qu’il a jugée «anti-américaine», Barack Obama a apporté son soutien au président de centre-droit Mauricio Macri, au pouvoir depuis trois mois, qui a déjà remis son pays sur les rails de l’économie internationale. Pour le président américain, ces mesures vont permettre à la 3e économie d’Amérique latine de retrouver la croissance, après deux ans de stagnation.
Pour le politologue argentin Carlos Fara, le soutien d’Obama à Macri tombe à point nommé. «C’est un message important dans la région, car pour les États-Unis, Macri est un cas d’école de réformes pro-marchés. C’est aussi un message au reste du monde et aux alliés commerciaux de l’Argentine». «Maintenant, ajoute-t-il, le plus difficile attend Macri, réduire l’inflation et réactiver l’économie».
Le Quotidien/AFP