Après le cas Barroso, celui Neelie Kroes, ex-commissaire restée directrice d’une société offshore aux Bahamas pendant son mandat, reconnue responsable mais pas sanctionnée mercredi, met à mal la « transparence » vantée par la Commission Juncker.
Neelie Kroes « a violé le code de conduite des commissaires » mais « ne peut pas être blâmée », si « elle n’était pas au courant qu’elle occupait toujours le poste » au sein de cette société, écrivait mercredi l’exécutif européen.
« Nous sommes très déçus », a réagi jeudi Olivier Hoedeman, de l’ONG Corporate Europe Observatory, qui qualifie la décision de « totalement inadéquate ». « C’est vraiment un scandale, un foutage de gueule ! », a fustigé l’eurodéputé Vert Pascal Durand, rapporteur d’un texte au Parlement européen sur l’éthique des commissaires. « Ils ne se rendent pas compte à quel point ils sont en train de détériorer l’image de l’Europe. »
La décision, rendue publique en catimini, à la veille des vacances de fin d’année, au milieu d’une quinzaine d’autres annonces, suit une première décision controversée du comité d’éthique de l’UE, à propos de l’ancien président de la Commission européenne José Manuel Barroso (2004-2014), vilipendé après son embauche par la banque d’affaires Goldman Sachs. Ce choix avait été jugé peu judicieux mais pas contraire aux règles, dans un avis dévoilé la veille de la Toussaint.
Dans le cas de Neelie Kroes, des documents publiés fin septembre par plusieurs médias européens, les « Bahamas Leaks », avait révélé qu’elle était restée administratrice de Mint Holdings Ltd., une entreprise offshore des Bahamas, entre 2000 et 2009. Or, entre 2004 et 2009, l’ex-ministre néerlandaise était commissaire à la Concurrence et le code de conduite de l’UE lui interdisait d’exercer une « autre activité professionnelle, rémunérée ou non ». En outre, au début de leur mandat, les commissaires doivent notifier dans un registre public toutes les activités exercées au cours des dix années précédentes.
Devoir éthique… pas pour tout le monde
Neelie Kroes prétend « ne pas avoir été au courant qu’elle a continué à figurer comme directeur de cette société ». Une excuse qui ne manque pas de faire bondir. « Vous savez très bien les mandats sociaux que vous exercez ! », s’est encore insurgé Pascal Durand. « Vous êtes souvent administrateur d’une société qui ne sert à rien, à l’autre bout du monde, dans un paradis fiscal ? ».
Malgré plusieurs questions jeudi lors de la conférence de presse quotidienne de la Commission, l’exécutif européen a refusé de dire si elle avait enquêté sur cette société ou si elle s’était seulement fondée sur les déclarations de Neelie Kroes. « La Commission avait tous les éléments dont elle avait besoin », a simplement assuré un porte-parole. Dans la même décision, l’ancienne commissaire, qui a ensuite occupé le poste de vice-présidente entre 2010 et 2014, s’est vu en outre sanctionnée d’ « un blâme » pour une autre affaire, jusqu’alors inconnue. Elle avait omis de « déclarer ses revenus » 2015 à la Commission, tout en acceptant « de recevoir son indemnité transitoire », touchée par les anciens commissaires dans les trois ans qui suivent leur départ. Ce n’est que quelques jours après les révélations des « Bahamas Leaks » que Neelie Kroes avait enfin informé Bruxelles de revenus en 2015.
« L’UE prétend avoir les règles éthiques les plus strictes mais c’est faux », a commenté Daniel Freund, porte-parole de l’ONG Transparency International. « Quoi que les commissaires fassent, elle ne les sanctionne jamais. »
Le Quotidien/AFP