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Antonio Tajani, un homme de réseaux à la tête du Parlement européen


Antonio Tajani connaît tout le monde au Parlement européen, où il siège depuis 1994. (photo AFP)

Beaucoup d’entregent, une faconde très italienne et une bonne dose d’habileté politique ont permis à l’ex-commissaire européen Antonio Tajani d’enlever mardi soir la présidence du Parlement de l’UE et d’offrir une revanche à son mentor politique Silvio Berlusconi.

Elégance discrète, visage de patricien romain, sourire aimable, Antonio Tajani porte bien ses 63 ans. Ancien journaliste de l’audiovisuel italien (RAI) puis du quotidien Il Giornale, membre fondateur du parti Forza Italia de Silvio Berlusconi, il est l’ombre de ce dernier à Bruxelles et au sein du Parti populaire européen (PPE, droite).

Homme de contact, il respecte à la lettre les consignes du Cavaliere: costume sobre, cravate discrète et poignée de main ferme. Très communicatif et polyglotte –il parle Français, Anglais et Espagnol– il est cajolé par les journalistes européens. Le problème est qu’il « parle beaucoup, mais ne dit rien », plaisante un communiquant du Parlement européen. « Mais il est habile et sent les choses en politique », fait valoir un porte-parole.

L’Italien n’était pas le postulant préféré du président du groupe PPE, l’Allemand Manfred Weber. « Tajani n’était pas son candidat. Trop controversé à cause de ses liens avec l’industrie, trop marqué Berlusconi », a confié un proche de M. Weber.

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M. Tajani a été vivement critiqué à la suite du « Dieselgate », en tant qu’ancien commissaire chargé de la législation aujourd’hui mise en cause sur les mesures des émissions de gaz polluants.

Au départ, « le favori était Alain Lamassoure ». Mais le groupe PPE a voté à bulletin secret et le Français été balayé, « victime de la méfiance des élus allemands, qui le jugent trop indépendant, et de la trahison de certains de ses amis politiques français », a témoigné la même source.

« Antonio Tajani a gagné parce qu’il a toujours été loyal et parce que chaque élu le connaît personnellement », a expliqué l’eurodéputé conservateur allemand Andreas Schwab. « On peut compter sur lui, il tient parole », renchérit un autre parlementaire conservateur allemand, Markus Ferber.

Il connaît tout le monde

Là est la force d’Antonio Tajani. Il connaît tout le monde au Parlement européen, où il siège depuis 1994, mais aussi au sein de la Commission européenne, dont il a été membre à deux reprises de 2008 à 2014, et au sein du Conseil des chefs d’Etat et de gouvernement grâce à son mandat de vice-président du PPE depuis 2002.

« Il a rendu service à énormément de gens et beaucoup d’élus sont ses obligés », a expliqué un responsable de groupe sous couvert de l’anonymat.

Lorsqu’il était membre de l’exécutif bruxellois, M. Tajani se vantait d’être le second commissaire de l’Espagne, car le socialiste Joaquin Almunia – alors dans l’équipe Barroso – était un farouche opposant du chef du gouvernement espagnol, le conservateur Mariano Rajoy. « Il n’a pas vraiment d’ennemis. Tajani c’est la politique des réseaux et de l’affabilité », précise un autre responsable.

« L’ironie dans cette affaire, c’est qu’un disciple de Berlusconi va remplacer Martin Schulz, dont la carrière politique a été lancée par Silvio Berlusconi », fait remarquer un vieux routier du Parlement, en faisant allusion à un accrochage entre l’Italien et l’Allemand, resté dans les annales européennes.

L’incident s’est produit en 2003 pendant la présentation du semestre de présidence italienne de l’UE, lorsque, excédé par les critiques de M. Schulz, Berlusconi lui a suggéré de postuler pour un rôle de « Kapo » (un détenu de droit commun qui encadrait les prisonniers dans les camps nazis, ndlr) dans une série télévisée en tournage en Italie.

« C’est Tajani qui a calmé le esprits au sein du groupe PPE après cette attaque scandaleuse et il est intervenu auprès de Berlusconi pour qu’il s’excuse auprès de Schulz », rappelle Markus Ferber.

Président du Parlement européen, Antonio Tajani va chercher à se démarquer de son prédécesseur, qui a exercé un pouvoir omnipotent au perchoir. « Nous n’avons pas besoin d’un président du Parlement européen fort. Nous avons besoin d’un Parlement européen fort », a plaidé M. Tajani. « Je suis un homme de consensus, je veux être le président de tous les députés ».

Le Quotidien / AFP