De l’Angleterre au Danemark, plusieurs pays européens allègent fortement leurs restrictions anticovid. La tendance divise les chercheurs, dont les désaccords soulignent les incertitudes sur l’avenir immédiat et plus lointain de la pandémie.
« Adieu aux restrictions et bienvenue à la vie telle que nous la connaissions avant le corona(virus) », a proclamé mercredi Mette Frederiksen, cheffe du gouvernement danois. Son pays lèvera mardi l’essentiel des restrictions, dont le pass sanitaire et le port du masque obligatoire. Les autorités estiment que le variant Omicron, bien plus contagieux que ses prédécesseurs mais moins dangereux, s’avère désormais une menace sanitaire limitée.
Le lendemain, jeudi, c’était l’Angleterre qui levait la plupart des restrictions encore présentes et, déjà, plus légères que la moyenne européenne: masque en intérieur dans les seuls lieux publics et pass vaccinal pour les gros événements. Ces mesures contrastent avec d’autres pays comme la France qui, malgré un petit allègement au programme la semaine prochaine, ne compte pas revenir dans l’immédiat sur le pass vaccinal, sa principale restriction sanitaire.
Qui fait le meilleur choix ? La réponse n’est pas tranchée car la suppression des contraintes suscite de francs désaccords entre chercheurs quant au rythme et au moment choisis.
Quid du sous-variant d’Omicron ?
Lors de leur annonce, la semaine dernière, par le Premier ministre britannique, Boris Johnson, les mesures anglaises ont ainsi clivé les scientifiques.
Certains appuient globalement le discours du gouvernement, qui souligne qu’Omicron a certes provoqué un nombre astronomique de cas, mais n’a pas submergé les services de réanimation : soit parce qu’il est moins virulent, soit parce que la population est mieux protégée grâce aux vaccins anticovid. « Sur le plan épidémiologique, le Royaume-Uni n’a jamais été dans une situation aussi favorable depuis le début de la pandémie », a estimé l’épidémiologiste François Balloux dans une réaction à l’organisme Science Media Center.
Au contraire, d’autres chercheurs ont jugé très précipité d’abandonner à ce point les restrictions, avec des inquiétudes de différents ordres.
Dans l’immédiat, même moins violent, Omicron fait déjà peser une lourde charge sur l’hôpital. Le nombre de décès liés au covid est, lui, en rebond au Danemark et sur un plateau en Angleterre après avoir interrompu son déclin. Les plus pessimistes s’inquiètent aussi de l’essor d’un « sous-variant » d’Omicron, BA.2, susceptible de relancer la vague actuelle car manifestement encore plus contagieux que la version jusqu’alors dominante.
Une forte circulation du virus menace de formes graves les catégories les plus fragiles: non-vaccinés, immunodéprimés, personnes très âgées… « Si nous ne sommes pas assez patients pour reprendre le contrôle sur la vague actuelle, (on) laissera tomber une minorité considérable, peut-être des millions de personnes », a estimé, dans une autre réaction, le virologue Stephen Griffin.
Différences locales
Ces clivages cachent toutefois certaines positions plus mesurées. Au lieu de juger en bloc l’allègement des restrictions, on peut ainsi distinguer les situations selon chaque pays.nLe Danemark a ainsi pris sa décision en fonction de trois critères : la moindre virulence d’Omicron, le fort taux de vaccination dans la population et le fait que les hôpitaux ont encore de la marge pour tenir le choc.
Certes, les deux premiers critères « s’appliquent à presque tous les pays d’Europe de l’Ouest », note auprès l’épidémiologiste Antoine Flahault. Mais « le troisième critère peut dépendre du système de santé local, il s’agit de savoir si la capacité hospitalière est suffisante », poursuit-il. Ainsi, le Danemark a, par le passé, fait preuve d’une capacité bien supérieure au Royaume-Uni dans la gestion sanitaire de la crise du covid, note-t-il.
Reste qu’à plus long terme, certains chercheurs craignent un optimisme excessif des gouvernements, y compris danois, quant à l’idée que le covid soit définitivement sous contrôle. C’est un pari hasardeux, au regard des incertitudes autour de l’émergence de nouveaux variants potentiellement plus graves ou contagieux.
Cette perspective, qui menace de relancer l’épidémie, est favorisée par une forte circulation du virus, ce qui pousse certains scientifiques à craindre les conséquences d’un allègement trop strict des contraintes. Mais « lever les mesures ou ne pas les lever ne changera pas cela, puisque leur efficacité sur le contrôle de la transmission est actuellement très faible avec un variant comme Omicron », a relativisé Antoine Flahaut, jugeant plus adéquat de travailler sur l’aération des lieux clos pour éviter la propagation du virus.