À trois mois des élections législatives allemandes, le social-démocrate Martin Schulz va tenter dimanche de sauver sa campagne et de faire oublier les sondages qui prédisent une confortable réélection à une Angela Merkel revigorée.
La tâche s’annonce rude pour l’ancien président du Parlement européen, dont le parti SPD va adopter dimanche à Dortmund (ouest) son programme de campagne pour le scrutin du 24 septembre.
A 61 ans, il paraissait pourtant en mesure il y a encore trois mois de barrer la route à la chancelière allemande, au pouvoir depuis 2005 et qui brigue un quatrième mandat consécutif pour entrer dans l’histoire en termes de longévité au pouvoir.
Désigné fin janvier candidat des sociaux-démocrates (SPD) pour la chancellerie, il a démarré sa campagne pied au plancher face à une Angela Merkel alors encore fragilisée par les critiques contre sa décision d’accueillir plus d’un million de demandeurs d’asile depuis 2015.
En mars, M. Schulz était crédité d’environ 50% d’opinions favorables, contre 38% pour Mme Merkel. Son parti talonnait le mouvement conservateur (CDU) de la chancelière.
Mais depuis, rien ne va plus: partenaire de coalition des conservateurs au niveau fédéral, le parti sort de trois défaites face aux démocrates chrétiens de la chancelière lors de scrutins régionaux.
Parallèlement, les sondages se sont inversés: selon une enquête publiée mercredi, la CDU devance le SPD de seize points (39% contre 23%) et pourrait même se passer des sociaux-démocrates dans la prochaine coalition en s’alliant avec les libéraux du FDP. Ce qui donnerait un coup de barre à droite à l’Allemagne.
« Lorsqu’il a été désigné candidat, Martin Schulz représentait pour beaucoup une alternative à Merkel », « il était relativement nouveau » sur la scène politique allemande puisqu’il avait fait l’essentiel de sa carrière au Parlement européen, explique à l’AFP Gero Neugebauer, politologue à l’Université Libre de Berlin.
Mais en tant que chancelière, Angela Merkel dispose « d’un bonus (…). Schulz est pour ainsi dire un provincial et Merkel, la femme au sommet », résume M. Neugebauer.
Face aux inquiétudes suscitées en Allemagne par le Brexit, l’élection de Donald Trump et la poussée des populismes, Angela Merkel rassure l’opinion en faisant figure de pôle de stabilité.
Sa capacité à juguler l’afflux de réfugiés, notamment en négociant un accord avec la Turquie, a donné l’impression qu’elle avait « la meilleure stratégie », écrivait mercredi la politologue Renate Köcher dans le journal Frankfurter Allgemeine Zeitung (FAZ).
Pour tenter de rattraper son retard, le SPD tente depuis des mois de « gauchiser » son discours. Il va adopter dimanche à Dortmund un programme législatif centré autour de la « justice sociale »: hausses d’impôts pour les plus riches, réductions pour les classes moyennes et populaires.
Le SPD lance un appel du pied aux « travailleurs pauvres », nombreux en Allemagne. Et selon un sondage publié jeudi, une majorité d’Allemands (59%) approuverait ces mesures fiscales qui soulageraient à hauteur de 15 milliards d’euros les petits et moyens revenus.
A l’inverse, pour Mme Köcher, cette annonce ne devrait avoir qu’un « impact limité » dans un pays dont la situation économique est enviée dans le reste de l’Europe avec un taux de chômage historiquement bas (5,7% en avril).
Autre difficulté pour M. Schulz: son positionnement jugé trop flou, empruntant à la fois au travailliste britannique Jeremy Corbyn, très à gauche, et au nouveau président centriste français, Emmanuel Macron, très pro-européen et libéral assumé.
« Schulz est un candidat du centre », et son parti veut présenter des idées « modérées qui peuvent parler à tout le monde », ce qui peut le conduire à un « dilemme » dans le choix de ses partenaires de coalition, prévient Gero Neugebauer.
Angela Merkel, par son positionnement centriste sur l’immigration, ne facilite pas la tâche du SPD. La chancelière a aussi privé le SPD de son fonds de commerce traditionnel sur l’anti-américanisme en prenant les devants dans la critique du président américain.
« Il reste plus de trois mois jusqu’aux législatives. Beaucoup de choses peuvent encore changer », veut croire Martin Schulz.
Le Quotidien / AFP