Le social-démocrate allemand Martin Schulz est passé à l’offensive dimanche en vue des élections législatives de septembre, accusant Angela Merkel d’«arrogance» et de saper «la démocratie», alors que les sondages prédisent une large victoire à la chancelière.
Lors d’un congrès de son parti (SPD) à Dortmund, au cœur de la Ruhr ouvrière, l’ancien président du Parlement européen s’est efforcé de relancer sa campagne électorale mal en point. Alors qu’il avait jusqu’ici évité les attaques ad hominem contre la chancelière conservatrice, le chef de file des sociaux-démocrates a décidé cette fois de changer de registre. «Je vous le prédis : le plus grand danger, c’est l’arrogance du pouvoir. Les gens la sentent», a déclaré dans son discours Martin Schulz, 61 ans, à l’adresse des conservateurs de la chancelière, au pouvoir depuis 2005 et qui brigue un quatrième mandat consécutif pour entrer dans l’histoire en termes de longévité au pouvoir.
Désigné fin janvier candidat des sociaux-démocrates pour la chancellerie cet ancien libraire polyglotte avait connu un début de campagne sur les chapeaux de roue, face à une Angela Merkel alors encore fragilisée par les critiques contre sa politique d’ouverture aux réfugiés. Mais depuis la chancelière a refait son retard, son camp remportant notamment coup sur coup trois scrutins régionaux, et Martin Schulz est à la traine dans les sondages : le dernier, publié dimanche, le donne à 15 points de la chancelière (39% contre 24%).
Décidé à contrattaquer, Martin Schulz a reproché dimanche à son opposante de «taire de façon systématique les débats quant à l’avenir du pays», qualifiant cette attitude «d’attaque contre la démocratie». Des termes forts pour dénoncer la stratégie politique suivie avec succès depuis des lustres par Angela Merkel : elle consiste à éviter les conflits directs et à jouer sur l’image de stabilité rassurante dont elle jouit dans l’opinion.
Ses détracteurs, y compris dans son propre camp, lui reprochent régulièrement de vivre sur les succès des réformes économiques de son prédécesseur, le social-démocrate Gerhard Schröder, et de n’avoir aucun grand dessein. Martin Schulz a détaillé son programme, axé autour du thème de la «justice sociale». Il promet une réduction des impôts pour les couches populaires et moyennes et plus de pression fiscale pour les plus riches, ainsi que la gratuité de la scolarité.
« Mariage pour tous »
Le SPD, qui tente de «gauchiser» son discours pour essayer de refaire son retard, a aussi décidé de mettre sur pied une commission afin de réfléchir à un éventuel impôt sur la fortune, thème sur lequel Martin Schulz refuse pour l’instant de faire campagne. Martin Schulz s’est également engagé s’il est élu à instaurer le mariage pour les couples homosexuels, dont les conservateurs de Mme Merkel ne veulent pas entendre parler. Il en fait aussi une condition pour d’éventuels accords de coalition.
«Je ne signerai pas d’accord de coalition dans lequel le mariage pour tous ne figure pas», a martelé Martin Schulz, dont le discours a été applaudi pendant près de 10 minutes par les 635 délégués et quelques milliers de militants. La tâche de reconquête de l’opinion s’annonce toutefois difficile pour Martin Schulz. En tant que chancelière, Angela Merkel est «la femme au sommet» qui attire toute l’attention, résume Gero Neugebauer, politologue à l’Université libre de Berlin.
Au vu des sondages, les démocrates-chrétiens de Mme Merkel, qui gouvernent depuis 2013 avec les sociaux-démocrates au niveau fédéral, pourraient même se passer d’eux dans la prochaine coalition en s’alliant avec les libéraux du FDP. Ce qui donnerait un coup de barre à droite à l’Allemagne. Dans un climat d’incertitude généré par le Brexit, l’élection de Donald Trump ou la poussée des populismes, elle représente aussi un pôle de stabilité qui rassure l’opinion allemande. Fine tacticienne, Mme Merkel a également empiété dans le pré carré des sociaux-démocrates en adoptant une position centriste sur l’immigration et en prenant les devants dans la critique du président américain Donald Trump.
Le Quotidien/AFP