Les conducteurs de trains de la Deutsche Bahn (DB) ont obtenu le passage à la semaine de 35 heures sans perte de revenus, selon un compromis scellé avec la compagnie ferroviaire allemande au terme d’un conflit social historique.
La réduction du temps de travail hebdomadaire, actuellement de 38 heures, se fera en quatre étapes jusqu’en 2029 pour ceux qui le souhaitent, a détaillé mardi l’opérateur ferroviaire public allemand, engagé depuis plus de quatre mois dans un bras de fer avec le syndicat GDL.
Les salariés conservent de la flexibilité puisqu’ils pourront choisir de travailler jusqu’à « 40 heures par semaine », chaque heure supplémentaire étant payée avec une majoration de 2,7%.
Cet accord met fin à l’un des conflits sociaux les plus durs et les plus coûteux auxquels a été confronté le rail allemand ces dernières années, dans un contexte d’envolée de l’inflation en Allemagne qui a durci les négociations au sein des entreprises. Il permettra d’éviter pendant au moins un an toute nouvelle grève des chemins de fer, alors que la DB traverse déjà une grave crise opérationnelle et financière.
« Grand soulagement »
« La confrontation a été dure, mais nous sommes parvenus à un compromis intelligent », a commenté Martin Seiler, directeur des ressources humaines de la DB. Le syndicat GDL, qui représente environ 20.000 conducteurs de trains sur les quelque 200.000 salariés de la compagnie ferroviaire, avait fait de la réduction du temps de travail une condition non négociable.
Depuis fin 2023, ce syndicat a organisé une série de six grèves, certaines de plusieurs jours d’affilée, provoquant des perturbations massives dans le trafic passager et fret. Les salariés ont aussi obtenu une prime d’inflation de 2.850 euros, ainsi qu’une hausse progressive de leur salaire de 420 euros par mois l’an prochain, selon la DB.
Cet accord permet d’éloigner toute nouvelle grève des conducteurs de trains jusqu’en mars 2026. L’été dernier, les autres catégories de personnels de la compagnie, représentées par le syndicat EVG, avaient obtenu des augmentations de salaire sans réduction du temps de travail. Ce premier accord court jusqu’en avril 2025 et empêche les arrêts de travail pendant cette période.
« Nous regrettons que nos grèves aient affecté les voyageurs », a déclaré mardi Claus Weselsky, l’inflexible patron de la GDL. « C’est un grand soulagement pour les passagers, même s’il aurait été possible de parvenir à un accord sans autant de grèves », a commenté l’association d’usagers Pro Bahn.
Charge financière
Rien qu’en 2023, les grèves ont coûté 200 millions d’euros à la DB, qui a subi une perte annuelle de 2,3 milliards d’euros au moment où le groupe détenu par l’Etat doit dépenser massivement pour rénover et étendre son réseau après des années de sous-investissement. Le compromis avec la GDL « est financièrement difficile », a admis Martin Seiler.
En outre, comme l’ensemble de l’économie allemande, la DB est confrontée à une pénurie de main-d’oeuvre, un « risque majeur » dit-elle pour le maintien de son service.
Depuis un an, l’Allemagne fait face à une multiplication des conflits dans différentes branches professionnelles, des supermarchés aux services, mettant à mal sa tradition de dialogue social et de cogestion entre employeurs et représentants du personnel.
Les salaires nominaux ont progressé de 6,0% en moyenne en 2023 sur un an, soit une hausse de 0,1% des salaires réels, selon l’office allemand des statistiques Destatis.
La réduction du temps de travail, voire le passage à la semaine de quatre jours, est une revendication qui fait tâche d’huile dans de nombreux secteurs. Le patronat allemand s’y montre défavorable, alors que le pays traverse une crise du secteur industriel qui a entraîné un recul du produit intérieur brut (PIB) de 0,3% l’an dernier.
La compagnie aérienne Lufthansa poursuit de son côté des négociations salariales avec ses personnels au sol et agents de cabine. Un autre conflit social concerne le personnel de sécurité des aéroports, qui a organisé plusieurs débrayages depuis janvier. Au point que certains responsables politiques ont réclamé un durcissement du droit de grève, déjà très encadré en Allemagne, pays où le nombre de jours de d’arrêts de travail est l’un des plus faibles d’Europe.