Le président des sociaux-démocrates allemands a prôné jeudi devant son parti réuni en congrès l’ouverture de discussions avec Angela Merkel sur un futur gouvernement, mais en posant des conditions fermes, notamment sur les réformes en Europe.
« Nous ne devons pas gouverner à tout prix. Mais nous ne devons pas refuser à tout prix de gouverner », a lancé Martin Schulz, l’ancien président du Parlement européen, devant 600 délégués réunis pour trois jours à Berlin.
« Ce qui est décisif, c’est ce que nous pouvons imposer » du programme électoral des sociaux-démocrates, a-t-il souligné, pour tenter de convaincre des militants réticents à nouer une nouvelle alliance avec les conservateurs allemands.
Les délégués doivent dire par un vote prévu en début de soirée s’ils acceptent d’ouvrir des pourparlers exploratoires avec les conservateurs d’Angela Merkel pour tenter de sortir l’Allemagne de l’impasse politique qui sévit depuis plusieurs mois.
Divisions
Miné par une débâcle historique lors des élections législatives du 24 septembre, le SPD a dans un premier temps assuré vouloir faire une cure d’opposition. Il a refusé une nouvelle alliance avec les conservateurs de l’Union chrétienne-démocrate (CDU) et de son allié bavarois CSU, comme il l’a fait à deux reprises (2005-2009 et 2013-2017) déjà avec Mme Merkel à la tête du gouvernement.
Mais après l’échec le mois dernier d’une tentative de formation d’un gouvernement entre la famille politique de la chancelière, les libéraux et les Verts, le SPD s’est retrouvé dos au mur: il n’y a plus que cette option d’alliance à la chambre des députés.
La direction du parti a finalement donné son feu vert à des discussions. Mais les sociaux-démocrates restent divisés et hésitent entre reconduire la coalition sortante, avec donc participation au gouvernement, soutenir de l’extérieur un gouvernement conservateur minoritaire, ou refuser quitte à provoquer un scrutin anticipé.
Lors d’un long discours largement consacré à l’Europe, Martin Schulz a insisté sur « la responsabilité » qui incombe au SPD en période de crise politique.
« Nous voulons mener des discussions sans a priori sur leur issue », a-t-il souligné. « C’est le contenu qui compte, pas la forme » d’une éventuelle entente, a-t-il insisté.
Les sociaux-démocrates mettent la chancelière sous pression notamment sur l’Europe.
États-Unis d’Europe
Reprenant l’élan pro-européen de la campagne présidentielle du chef de l’État français Emmanuel Macron, Martin Schulz a affirmé jeudi vouloir bâtir « les États-Unis d’Europe » d’ici 2025, grâce à la mise sur pied d’une Constitution européenne « qui permette une Europe fédérale ».
Une idée fraîchement accueillie par la chancelière. La priorité doit être donnée à « la capacité d’action » de l’UE avec à travers une meilleure coopération des États d’ici 2025 et « non pas à la définition d’un objectif » comme les États-Unis d’Europe, a-t-elle dit à Berlin.
Alors qu’Angela Merkel n’a jusqu’ici toujours pas répondu aux propositions de réforme venues de France ou de la Commission européenne, le président des sociaux-démocrates a apporté un soutien explicite aux propositions du président français.
« Nous avons besoin d’un ministre européen des Finances », a-t-il notamment déclaré.
« Nous n’avons pas besoin d’un diktat européen à l’épargne, mais d’investissements dans un budget de la zone euro », a-t-il ajouté, alors que les conservateurs allemands, attachés à l’orthodoxie budgétaire, sont très sceptiques.
Angela Merkel et les siens redoutent la mise sur pied d’un tel budget commun pouvant conduire à une mutualisation des dettes publiques, une perspective que la chancelière a qualifiée de ligne rouge.
En cas de rejet de l’ouverture de pourparlers jeudi par les délégués sociaux-démocrates, la chancelière devra se résoudre soit à former un gouvernement minoritaire, soit à la tenue de législatives anticipées. Elles seraient sans précédent depuis la fondation après-guerre de la République fédérale.
Si les sociaux-démocrates décident d’entamer des discussions avec la CDU et son allié bavarois CSU, la mise sur pied d’un quatrième gouvernement dirigé par Angela Merkel devrait néanmoins prendre de longs mois.
Les discussions ne devraient entrer dans le vif du sujet qu’en janvier. En cas d’accord gouvernemental, il sera de toute façon soumis aux militants du SPD, réservés sur l’opportunité d’une nouvelle « grande coalition ».
Le Quotidien/ AFP