Angela Merkel a plaidé vendredi à Moscou pour la poursuite du dialogue avec la Russie malgré leurs « profonds différends », à l’occasion de sa dernière rencontre avec Vladimir Poutine avant que la chancelière ne quitte le pouvoir.
Après avoir déposé des fleurs sur la tombe du soldat inconnu à Moscou, la chancelière a été accueillie au Kremlin par Vladimir Poutine, un bouquet à la main. « Même si nous avons de profonds différends, nous nous parlons et cela doit continuer ainsi », a relevé la chancelière allemande, qui partira à l’automne après 16 ans de pouvoir et de relation complexe avec le maître du Kremlin.
Vladimir Poutine a relevé que ce rendez-vous n’était pas « juste une visite d’adieu », mais une rencontre « sérieuse » entre ces vétérans de la vie politique européenne car « beaucoup de questions doivent être discutées ». Angela Merkel, la russophone qui a grandi en RDA, et le président russe, germanophone car il servit le KGB en Allemagne de l’Est, se sont toujours targués d’avoir établi une vraie relation de travail.
Lors de leur conférence de presse commune, les dossiers de l’Afghanistan et de l’affaire d’Alexeï Navalny, bête noire du Kremlin qui a vu son organisation démantelée par les autorités, ont été abordés. « J’ai réclamé au président russe la libération d’Alexeï Navalny », a fait savoir Angela Merkel. Vladimir Poutine lui a opposé que son principal opposant n’était pas détenu « pour ses activités politiques », mais pour « une infraction criminelle envers des partenaires étrangers ».
Les deux dirigeants ont aussi évoqué les contentieux que sont l’espionnage, la répression en Biélorussie et la guerre en Ukraine.
« Injustement emprisonné »
Au « jour anniversaire » de l’empoisonnement d’Alexeï Navalny, cette visite de la chancelière allemande apparaît comme symbolique. Car après deux jours dans le coma dans un hôpital sibérien, c’est à Berlin que le militant anticorruption avait été transféré le 22 août 2020. C’est là que son empoisonnement par un produit militaire soviétique, le Novitchok, a été diagnostiqué et soigné. Sauvé, il accusera le Kremlin et ses services de sécurité (FSB). Depuis, l’Occident, Berlin en tête, réclame des explications à Moscou, qui dément tout.
Christo Grozev, un auteur de Bellingcat, média d’investigation qui dit avoir identifié le commando du FSB chargé de l’empoisonnement, a ainsi estimé sur Twitter que la date de la visite d’Angela Merkel pourrait être soit un signe « d’apaisement » à l’égard de Moscou soit « une tentative sincère de mettre la pression sur Poutine ». Le porte-parole de la chancelière Steffen Seibert avait souligné mercredi que l’affaire Navalny « pèse lourdement sur la relation avec la Russie » car il « est injustement emprisonné ».
Impasse ukrainienne
En guise d’accueil pour Merkel, la diplomatie russe s’est fendu mercredi d’un long communiqué, accusant Berlin et ses alliés de se servir de l’affaire Navalny pour « attaquer » Moscou et s’ingérer dans les législatives prévues en septembre. L’opposant a lui remercié vendredi depuis sa prison, dans un message sur les réseaux sociaux, tous ceux qui lui ont sauvé la vie et affirmé qu’il poursuivrait son combat. « J’ai une deuxième chance de vivre, et de prendre toutes les décisions que j’estime justes et honnêtes », a-t-il écrit.
Autre sujet brûlant pour cette dernière rencontre : l’Ukraine. Angela Merkel tente avec la France de négocier avec Moscou une solution au conflit séparatiste prorusse qui déchire l’Est du pays depuis 2014, déclenché dans la foulée de l’annexion russe de la Crimée. Mais le processus est dans l’impasse. La chancelière est d’ailleurs attendue dimanche à Kiev.
Mais derrière les sujets qui fâchent, Angela Merkel a aussi des points de convergence avec la Russie de Poutine. Les deux vétérans ont ainsi imposé au final aux États-Unis, à des Européens méfiants et à l’Ukraine un gazoduc sous-marin, Nord-Stream 2 qui va accroître l’alimentation en gaz russe de l’Allemagne et de l’Europe pour les décennies à venir.
LQ/AFP