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Allemagne: des milliers de militants climatiques déferlent sur une mine de charbon


Si le mouvement "Ende Gelände" occupe régulièrement ce site depuis 2015, ils ont été rejoint cette année par le jeune mouvement Fridays for Future. (Photo AFP)

Venus de toute l’Europe et soutenus par de jeunes manifestants pour le climat, plusieurs milliers de militants anti-charbon se sont élancés vendredi matin pour tenter d’occuper une mine dans l’ouest de l’Allemagne.

Précédés d’une fanfare et formant des colonnes de plusieurs centaines de personnes, les activistes ont quitté peu après 7 h le « camp climatique » qu’ils avaient établi depuis mercredi dans le bassin minier rhénan, en direction du site d’extraction de Garzweiler situé à une trentaine de kilomètres, a constaté l’AFP. « Nous sommes inarrêtables. Un autre monde est possible », chantaient les marcheurs, inscrivant au marqueur un numéro d’identification sur leurs bras ou jambes, et ignorant pour la plupart l’itinéraire tenu secret.

Dans cette vaste zone à l’ambiance lunaire, la présence policière restait discrète. Après deux jours d’initiation à la « désobéissance civile », hors la loi mais non violente, ils prévoient de déferler en plusieurs vagues d’ici samedi dans les immenses travées de cette mine de lignite, un charbon brun bon marché et très polluant exploité sur de vastes surfaces par le groupe RWE.

Des occupations régulières depuis 2015

Si Ende Gelände (« terminus » ou « fin de l’histoire ») occupe ce site chaque année depuis 2015, l’opération prend cette fois un relief particulier : non seulement le nombre de participants va croissant, mais ils sont pour la première fois appuyés par le jeune mouvement Fridays for Future, dans une rare convergence entre actions légale et illégale.

Plusieurs centaines de collégiens, lycéens et étudiants avaient déjà rejoint en début de matinée Aix-la-Chapelle, à quelques dizaines de kilomètres, pour une « manifestation européenne » attendue à 10 h et qui doit rassembler 20 000 personnes venues de 16 pays, selon l’agence allemande DPA. « Pourquoi étudier, puisque nous n’avons pas d’avenir ! », ou « Si la terre était une banque, vous l’auriez sauvée depuis longtemps », clamaient les pancartes des premiers manifestants, qui prévoient de rejoindre Garzweiler samedi pour un « soutien » direct aux occupants.

Assidus dans la rue depuis des mois, et confortés par le succès des formations écologistes aux Européennes, ces jeunes souvent mineurs « sont les acteurs politiques du moment », commentait vendredi matin l’hebdomadaire Der Spiegel. « Moi j’ai toujours été une citoyenne modèle, je n’ai jamais transgressé la loi. Mais le fait est que cela ne changera pas si nous ne faisons rien maintenant, et je suis là (…) pour aller plus loin », expliquait jeudi Döerthe, 19 ans, qui s’est choisi comme tous les participants un « nom de guerre ».

Une action préparée en toute discrétion

Depuis jeudi, les militants se préparaient à camper par « groupes affinitaires » d’une dizaine de personnes, qui partagent la même endurance physique et mentale et se sont fixé les mêmes limites, en attendant le top départ dans la nuit via des moyens de communication cryptés ou discrets. Entre corvées d’épluchage et de sanitaires, ils ont passé en revue auprès des formateurs aguerris d’Ende Gelände tous les scénarios: arrestation, blessure, crise de panique, et même échec de la tentative de blocage.

Si la moyenne d’âge ne dépasse pas trente ans, certains vétérans ont été de toutes les manifestations écologistes et occupations illégales depuis des décennies, notamment celles de sites nucléaires avant que l’Allemagne ne décide en 2011 de sortir de l’atome avant 2022.

La chancelière Angela Merkel « maintient une politique qui prive littéralement les jeunes de leur avenir, mais ces jeunes sont en train de prendre le pouvoir. Ils ont des forces que je n’ai plus », dit d’une voix nouée d’émotion Günter Wimmer, 76 ans, venu de Munich en combinaison, appuyé sur sa canne. Mais le renoncement au nucléaire a prolongé la dépendance du pays au charbon, source d’une énergie plus prévisible, meilleur marché et plus facile à acheminer que l’éolien ou le solaire, et qui représente encore près de 40% de sa production d’électricité.

Le gouvernement allemand vient seulement de décider son abandon d’ici 2038, échéance jugée trop lointaine par les activistes, et dépourvue pour l’heure d’un calendrier précis pour fermer mines et centrales. « La crise climatique est déjà là, nous le voyons tous les jours au quotidien. Notre but est de stopper physiquement, de nos corps, les moyens de production économique qui en sont responsables », explique à la presse Nike Malhaus, porte-parole d’Ende Gelände.

LQ / AFP