Immigration, économie, politique étrangère : les pommes de discorde sont nombreuses entre conservateurs (CDU/CSU) et sociaux-démocrates (SPD) allemands qui ont entamé vendredi des discussions pour doter la première économie européenne d’un nouveau gouvernement, sous la forme d’une « grande coalition ».
Immigration
Après une série d’attaques meurtrières ces derniers mois commises par des étrangers, les conservateurs de Friedrich Merz veulent durcir la lutte contre l’immigration illégale qui, selon eux, permettra d’endiguer la montée du parti d’extrême droite AfD.
Le SDP a lui-même multiplié les mesures pour faire baisser le nombre de demandes d’asile durant le mandat du chancelier sortant Olaf Scholz et souhaite, comme la CDU, accélérer les expulsions d’étrangers auteurs d’infractions.
Mais les sociaux-démocrates ne soutiennent pas l’une des promesses phares de Friedrich Merz : des contrôles permanents aux frontières allemandes assortis du refoulement de tous les étrangers sans papiers, y compris les demandeurs d’asile. Ils y voient une atteinte aux règles de l’Union européenne et à la constitution allemande. Les conservateurs veulent durcir l’obtention de la nationalité allemande, dont le gouvernement sortant avait assoupli les conditions.
Ukraine et défense
Alors que l’Allemagne, sous le mandat d’Olaf Scholz, a été le deuxième fournisseur d’aide militaire à l’Ukraine, après les États-Unis, depuis le début de l’invasion russe, le chancelier sortant a toujours souligné la nécessité d’éviter une escalade avec la Russie.
Pour cette raison, il a refusé de fournir à Kiev des missiles Taurus capables de frapper profondément en territoire russe.
Friedrich Merz a été plus ferme dans son soutien à l’Ukraine, disant qu’il livrerait ces missiles de longue portée si l’évolution des combats l’exigeait.
Les deux partis s’accordent pour dire que les dépenses militaires de l’Allemagne doivent massivement augmenter et durablement atteindre plus de 2 % du PIB, à plus forte raison depuis que Donald Trump remet en question l’engagement des États-Unis à soutenir Kiev.
Mais les moyens pour financer la défense divisent conservateurs et sociaux-démocrates.
Ces derniers réclament une réforme du «frein à l’endettement» inscrit dans la constitution qui limite les nouveaux emprunts annuels à 0,35 % du PIB.
Les conservateurs sont réticents à abandonner cette règle emblématique de la rigueur budgétaire allemande et Friedric Merz a exclu tout assouplissement à court terme, parlant d’un chantier «vaste et compliqué».
Le chef des conservateurs envisage la création d’un «fonds spécial» défense, hors budget courant mais veut d’abord faire «un état des lieux» de la situation financière de l’État.
Relance économique
Après deux années consécutives de récession, et une troisième qui se profile, l’Allemagne cherche le remède à sa crise économique.
Mais «à part les promesses vagues de réduire la bureaucratie, les programmes de la CDU/CSU et du SPD ont peu en commun en ce qui concerne les mesures de relance économique», estime Holger Schmieding de la banque Berenberg.
Les conservateurs misent sur des réductions d’impôts pour les entreprises tandis que le SPD veut que les allégements fiscaux soient conditionnés à des investissements en Allemagne.
En ce qui concerne l’impôt sur le revenu, la CDU/CSU souhaite relever le seuil de la tranche d’imposition la plus élevée, contrairement à la demande du SPD de taxer davantage les plus hauts revenus.
Le journal Die Zeit estime que «les sujets des retraites et de la politique sociale s’annoncent comme les plus difficiles» à surmonter.
Le SPD s’est engagé à maintenir les pensions de retraite à 48 % du revenu moyen. Pour la CDU, la stabilité des retraites ne sera garantie que si l’Allemagne retrouve la croissance.
Les conservateurs veulent par ailleurs faire des économies dans les dépenses publiques. Dans leur viseur : «l’allocation citoyenne» de 563 euros versée aux chômeurs de longue durée, l’une des réformes phares du gouvernement sortant de centre-gauche qui a réduit les sanctions au minimum pour les bénéficiaires.
Les deux partis s’opposent également sur le salaire minimum que le SPD veut porter à 15 euros, après une hausse à 12,82 euros par le gouvernement Scholz. Les conservateurs veulent laisser cette décision aux partenaires sociaux.