Les talibans ont transmis une offre de bref cessez-le-feu aux Américains, après plus de 18 ans de guerre entre les deux camps, ont indiqué deux cadres de leur mouvement, ce qui laisse entrevoir une nette avancée dans les pourparlers bilatéraux.
Depuis des semaines, les États-Unis avaient fait de la réduction de la violence un préalable à toute avancée sérieuse des négociations, en vue d’aboutir à un calendrier de retrait des troupes américaines et au lancement d’un dialogue intra-afghan. « Les talibans sont prêts à un cessez-le-feu temporaire de sept à dix jours. Ce sera un cessez-le-feu avec les États-Unis et le gouvernement afghan », a déclaré une source talibane basée au Pakistan. L’offre « a été finalisée et donnée aux Américains. Elle va ouvrir la voie à un accord », a déclaré l’autre source, également basée au Pakistan.
Les talibans n’ont pas fait d’annonce publique sur le sujet et Washington n’a pas indiqué avoir reçu une proposition de la part des insurgés islamistes. Les négociations se font directement entre les États-Unis et les talibans, ces derniers refusant de négocier avec le gouvernement afghan, qualifié de « marionnette » de Washington. Les insurgés et les États-Unis, en conflit depuis fin 2001, étaient sur le point d’annoncer un accord en septembre lorsque le président Donald Trump a brusquement déclaré le processus « mort », en invoquant la violence des talibans. Les pourparlers avaient repris en décembre au Qatar, mais ils avaient été à nouveau suspendus quelques jours plus tard après une attaque revendiquée par les rebelles contre la base de Bagram, contrôlée par les Américains.
Samedi, deux soldats américains ont été tués et deux autres blessés dans le sud de l’Afghanistan, dans l’explosion d’une bombe au passage de leur véhicule, revendiquée par les talibans. Pour Graeme Smith, du groupe de réflexion International Crisis Group (ICG), les rumeurs d’un cessez-le-feu provisoire s’inscrivent dans une récente baisse des attaques visant les centres urbains. « Cela fait deux mois qu’ils n’y a pas eu d’attaque majeure des talibans en zone urbaine. Cette pause (…) est sans précédent depuis une dizaine d’années », a-t-il souligné.
« Des progrès positifs réalisés »
Les talibans avaient observé une pause inédite des combats pendant trois jours en juin 2018, à l’occasion de la fête musulmane de l’Aïd el-Fitr, marquant la fin du mois de jeûne du ramadan. L’arrêt des combats avait donné lieu vendredi et samedi à d’inhabituelles scènes de fraternisation entre talibans et forces de sécurité afghanes, qui ont été vus se donnant l’accolade et se prenant en photo ensemble. Les déclarations jeudi des cadres des talibans surviennent quelques heures après que le ministre pakistanais des Affaires étrangères Shah Mehmood Qureshi a assuré que « des progrès positifs ont été réalisés ». « Les talibans ont montré leur volonté de réduire la violence, ce qui était une exigence » des États-Unis, a déclaré le ministre, dont le pays entretient des liens privilégiés avec les insurgés fondamentalistes. « C’est un pas vers l’accord de paix », a-t-il ensuite commenté lors d’une déclaration filmée.
Le Pakistan, l’un des trois seuls pays à avoir reconnu le régime des talibans entre 1996 et 2001 – jusqu’à ce que ceux-ci soient chassés du pouvoir par une coalition internationale menée par les États-Unis après les attentats du 11 septembre 2001 -, dispose d’un contact privilégié avec les insurgés. Islamabad, allié de Washington dans sa « guerre contre le terrorisme », s’est engagé depuis l’an passé à faciliter les négociations américano-talibanes. Le Pakistan a été accusé à d’innombrables reprises par Washington et Kaboul de duplicité, et notamment d’héberger sur son sol des talibans menant ensuite des attaques de l’autre côté de la frontière afghane. Islamabad a toujours nié ces accusations.
Tout accord avec les talibans devrait reposer sur deux piliers: un retrait des troupes américaines – qui ont compté jusqu’à 100 000 hommes au pic de l’engagement américain en 2010, pour redescendre ensuite jusqu’à quelques 13 000 soldats aujourd’hui – et l’engagement de la part des insurgés de ne pas offrir de sanctuaires aux groupes jihadistes. C’est le refus des talibans, alors au pouvoir en Afghanistan, de livrer après les attentats du 11 septembre le chef d’Al-Qaïda, Oussama Ben Laden, qui avait provoqué l’invasion américaine et la chute de leur régime.
LQ/AFP