Les talibans ont averti mardi que si les Etats-Unis abandonnent les discussions sur un retrait de leurs troupes d’Afghanistan, comme l’a décidé le président américain Donald Trump, ils le « regretteront bientôt ».
« Nous avions deux façons d’en finir avec l’occupation de l’Afghanistan, celle du jihad et des combats, et celle des pourparlers et des négociations. Si Trump veut arrêter les discussions, nous emprunterons le premier chemin et ils le regretteront bientôt », a dit un porte-parole, Zabihullah Mujahid. Le président américain a annoncé lundi que ces négociations sont « terminées pour de bon ».
Entre rapprochements avortés, espoirs de cessez-le-feu et influence régionale, les pourparlers de paix avec les talibans ont été une série d’occasions manquées qui ont maintenu le pays dans près de deux décennies de conflit meurtrier.
Le président américain Donald Trump a annoncé samedi soir qu’il mettait fin à des négociations entamées il y a un an avec les talibans et qui semblaient sur le point d’aboutir à un accord historique.
Les occasions manquées
Les discussions entre Etats-Unis et talibans remontent bien avant l’intervention américaine de 2001 qui a précipité leur chute.
Selon des documents déclassifiés, l’administration Clinton avait noué des contacts secrets avec les talibans, qui n’ont pas empêché les attentats du 11-Septembre 2001 sur le sol américain perpétrés par Al-Qaïda depuis l’Afghanistan.
Dès l’invasion alliée, les talibans avaient accepté de déposer les armes en échange d’une amnistie. Mais les « Faucons » de la diplomatie américaine, sûrs de leur victoire militaire, avaient décliné l’offre.
« Chaque pilier du régime taliban sera détruit », ont notamment menacé les Etats-Unis dans un message au mollah Omar, le fondateur des talibans, en octobre 2001.
Les insurgés se sont alors déplacés au Pakistan voisin, d’où ils ont démarré une guérilla sanglante, regagnant progressivement du terrain en Afghanistan.
Des tentatives de dialogue avaient avant cela eu lieu en 2004, puis en 2011. En 2013, les talibans avaient ouvert un bureau au Qatar pour négocier avec les Etats-Unis. Mais les discussions s’étaient interrompues lorsqu’ils s’étaient déclarés ambassade non officielle d’un gouvernement en exil, une position inacceptable pour Kaboul.
Une rencontre entre talibans et gouvernement afghan avait été organisée en juillet 2015 au Pakistan. Elle avait périclité après la révélation de la mort du mollah Omar deux ans plus tôt, que les rebelles avaient cachée.
Cessez-le-feu
En 2015, le président afghan Ashraf Ghani a proposé d’ouvrir des pourparlers de paix avec les talibans, évoquant la reconnaissance de leur mouvement comme un parti politique. Les talibans l’ont ignoré.
En 2018, M. Ghani a renouvelé ses offres de paix et proposé un cessez-le-feu unilatéral avec les insurgés pour l’Aïd-el-Fitr, qui célèbre la fin du ramadan.
Les talibans ont annoncé leur propre cessez-le-feu pour les trois premiers jours de l’Aïd.
Les combats ont cessé trois jours durant, une première depuis 2001, et donné lieu à d’inédites scènes de fraternisation entre talibans et membres des forces de sécurité.
Les espoirs ont été de courte durée, la violence s’intensifiant ensuite.
En mai 2019, une loya jirga -vaste assemblée de hauts dignitaires afghans- a lancé depuis Kaboul un appel à un cessez-le-feu « immédiat et permanent » que les talibans ont implicitement rejeté.
Pourparlers américano-talibans
A l’été 2018, Washington, convenant que le conflit n’a pas « de solution militaire », a engagé des discussions directes avec les talibans à Doha.
Donald Trump, désireux de mettre un terme aux « guerres sans fin », a désigné en septembre Zalmay Khalilzad comme envoyé spécial pour la paix. L’ex-ambassadeur américain en Afghanistan a mené à Doha neuf séries de pourparlers avec des représentants talibans.
Le projet d’accord, pratiquement approuvé, prévoyait un calendrier de retrait par étape des troupes américaines déployées en Afghanistan.
Dans un premier temps, dans les 135 premiers jours, l’US Army devait quitter cinq bases et les forces américaines passer de 13.000 à 14.000 soldats aujourd’hui à 8.600. Un calendrier pour des diminutions ultérieures, si les conditions étaient réunies, devait aussi être inclus dans le texte.
En échange de ce retrait, les insurgés se seraient engagés à une « réduction de la violence » dans certaines zones – mais pas à un cessez-le-feu -, à garantir que les territoires qu’ils contrôlent ne puissent plus servir de base arrière à des organisations « terroristes » et à mener pour la première fois des négociations de paix directes avec le gouvernement de Kaboul.
Mais l’édifice a volé en éclat samedi, Donald Trump dénonçant la poursuite des attentats pendant les négociations, dont un a tué un Américain jeudi à Kaboul. Le président américain a révélé au passage qu’avant de prendre la décision de tout arrêter, il était sur le point de recevoir les chefs talibans à Camp David dimanche, ce qui aurait été sans précédent.
AFP