Les forces américaines et afghanes ont, pour la première fois, tué davantage de civils au premier trimestre 2019 que les talibans et autres groupes insurgés, selon un rapport de l’ONU rendu public mercredi.
Durant cette période, les forces internationales et pro-gouvernementales ont été responsables de la mort de 305 civils, contre 227 civils tués par les talibans et autres groupes, indique ce rapport de la Mission d’assistance des Nations unies en Afghanistan (MANUA). La plupart des décès sont intervenus lors de bombardements aériens américains ou de missions de reconnaissance au sol, menées essentiellement par les forces afghanes, dont certaines « semblent agir en toute impunité », selon le rapport.
« La MANUA appelle les forces de sécurité nationales afghanes et les forces militaires internationales à mener des enquêtes sur les soupçons de victimes civiles, à en publier les résultats, et à dédommager les victimes de manière appropriée », indique encore l’organisation.
Interrogée, Resolute Support, la mission de l’OTAN en Afghanistan, a dit se tenir « aux normes les plus élevées en matière d’exactitude et de responsabilité », via son porte-parole, le colonel Dave Butler. « Nous visons la précision dans toutes nos opérations », a poursuivi ce dernier, ajoutant que « la meilleure manière d’arrêter les souffrances des (civils) est d’arrêter les combats » via un accord entre toutes les parties.
Les Etats-Unis, engagés militairement dans le pays depuis 2001, ont multiplié depuis 2017 leurs opérations aériennes tout en s’efforçant de négocier un accord de paix avec les talibans, qui contrôlent actuellement de vastes pans du territoire afghan. En 2018, l’aviation américaine a largué 7362 bombes sur l’Afghanistan, soit plus de cinq fois plus qu’en 2016 (1337), selon un document militaire officiel, après que le président américain, Donald Trump, eut facilité le bombardement des positions talibanes. Si d’autres pays peuvent apporter un soutien logistique ou technique, ce sont les avions américains qui effectuent le plus de frappes. L’armée de l’air afghane, en pleine expansion, effectue également des sorties.
En 2018, les opérations aériennes ont tué plus de 500 civils
L’ONU a commencé à compiler les statistiques de victimes civiles en 2009 alors que la situation sécuritaire se détériorait en Afghanistan. Dans un rapport datant de février, portant sur l’année 2018, l’ONU remarquait que « c’est la première fois que les opérations aériennes se traduisent par la mort de plus de 500 civils », 76% des décès étant alors causés par les frappes américaines. Pour la seule année 2018, « à peu près le même nombre de civils sont morts des suites de bombardements que les années 2014, 2015 et 2016 combinées », avait précisé l’ONU.
Dans son dernier rapport, la MANUA a aussi constaté une diminution de 23% des victimes civiles sur le premier trimestre 2019, avec 581 morts et 1192 blessés, le bilan humain le moins élevé depuis le premier trimestre 2013. Cette baisse s’explique par une diminution des attentats-suicides, observe la MANUA, qui ne sait toutefois pas si cette tendance est le résultat d’un hiver particulièrement rigoureux ou si les talibans essaient de tuer moins de civils pendant les pourparlers de paix avec les États-Unis.
Un « nombre choquant » de civils sont toujours tués ou mutilés, a observé le chef de la MANUA, Tadamichi Yamamamoto, dans un communiqué. « Toutes les parties doivent faire davantage pour protéger les civils. » « Les éléments antigouvernementaux doivent cesser de prendre délibérément pour cible les civils (…) Les forces pro-gouvernementales sont appelées à prendre des mesures immédiates pour atténuer le nombre croissant de morts et les souffrances causées par les frappes aériennes et les opérations de recherche », a-t-il remarqué. L’année 2018 a été la plus meurtrière à ce jour pour les civils afghans avec 3804 tués, selon la MANUA.
AFP