Les États-Unis ont mis la pression ces dernières semaines sur les combattants du groupe Etat islamique (EI) en Afghanistan et espèrent éliminer toute présence de l’EI dans le pays d’ici la fin de l’année, avant que n’arrivent des jihadistes expérimentés, chassés d’Irak et de Syrie.
Les États-Unis ont largué à la mi-avril sur un site jihadiste en Afghanistan la bombe non nucléaire la plus puissante qu’ils aient jamais utilisée au combat, représentant l’équivalent d’une dizaine de tonnes de TNT.
Ils ont aussi mené la semaine dernière un raid dans la même région contre le chef de l’EI en Afghanistan, Abdul Hasib. Celui-ci a probablement été tué dans l’opération, qui a aussi coûté la vie à deux soldats américains. L’EI a émergé en Afghanistan en 2015, prenant le contrôle de territoires importants dans les provinces du Nangarhar et de Kunar (est), près de la frontière pakistanaise. Mais le groupe a depuis reculé, se repliant dans quelques districts de la province du Nangarhar.
Selon le capitaine Bill Salvin, un porte-parole des forces américaines en Afghanistan, les effectifs du groupe, qui ont culminé à 2.500 ou 3.000 hommes, ont diminué à 800 maximum, du fait des pertes au combat et des défections. «Nous avons une très bonne chance de les détruire en 2017, pour qu’il soit très clair» que l’Afghanistan «n’est pas l’endroit» où les jihadistes expulsés de tel ou tel pays peuvent venir se réfugier, a-t-il indiqué.
Pour les militaires américains comme les experts, le risque est réel par exemple de voir les combattants de l’EI boutés hors d’Irak ou de Syrie prendre la route de l’Afghanistan, déjà terre d’accueil pour de nombreux groupes extrémistes, au premier rang desquels Al-Qaïda. Mais l’objectif d’une éradication rapide de l’EI en Afghanistan paraît ambitieux, avertissent certains experts. Une victoire définitive pourrait «prendre beaucoup de temps, en partie à cause de la proximité avec le Pakistan ou de flots de combattants» arrivant du Moyen-Orient, estime Michael O’Hanlon, un expert en matière de défense du centre d’étude Brookings à Washington.
L’EI en Afghanistan comprend aujourd’hui, outre des Afghans, des Pakistanais et des Ouzbeks déçus par les talibans (des insurgés afghans, aux revendications nationalistes, par opposition aux jihadistes à l’agenda mondial) et désireux de tenter autre chose. Depuis son émergence en 2015, le groupe a mené une série d’attentats à la bombe dans le pays, parvenant à mener des attaques meurtrières à Kaboul en juillet 2016 et à l’automne.
Les talibans, défi principal
Outre sa présence dans le Nangarhar, l’EI est soupçonné de chercher aussi à s’implanter dans le nord de l’Afghanistan, où des combattants du Mouvement islamique d’Ouzbékistan ont annoncé leur allégeance. Vaincre l’EI en Afghanistan remonterait le moral de l’administration et des militaires américains, qui luttent depuis 16 ans contre les talibans dans le pays sans voir le bout du tunnel.
Mais Bill Roggio, un expert militaire de la Fondation pour la défense des démocraties, un centre d’études conservateur, souligne que ce sont bien les talibans et leurs alliés d’Al-Qaïda qui représentent le vrai défi. «Ce n’est pas que les jihadistes ne posent pas de menace, mais je pense que les talibans représentent un danger bien plus grand pour la stabilité de l’Afghanistan», a-t-il dit.
Eliminer l’EI «serait comme gagner une bataille, alors que nous perdons la guerre, ce qui est à la base ce que nous faisons en Afghanistan depuis le début de notre présence ici», a-t-il dit. Les Etats-Unis ont environ 8 400 hommes déployés en Afghanistan. La plus grande partie d’entre eux entraînent et appuient les forces afghanes face aux talibans, dans le cadre d’une force de l’Otan. Mais une autre partie, dont les militaires des forces spéciales qui combattent actuellement dans le Nangarhar, mènent des opérations contre Al-Qaïda ou le groupe État islamique.
Le Quotidien/AFP