Le gouvernement taliban en Afghanistan a fêté mardi le deuxième anniversaire de son retour au pouvoir et la « liberté » retrouvée du pays face à l' »envahisseur », mais en l’absence des femmes dont les droits n’ont de cesse d’être amputés, fustigent leurs opposants.
« La conquête de Kaboul a prouvé une fois de plus que personne ne peut contrôler la fière nation afghane et qu’aucun envahisseur ne sera autorisé à menacer l’indépendance et la liberté du pays », a salué dans un communiqué le gouvernement taliban, qui n’est pas reconnu par la communauté internationale.
Au cours des deux années écoulées, les autorités talibanes ont imposé leur interprétation austère de l’islam et multiplié les mesures à l’encontre des droits des femmes, constituant une pierre d’achoppement dans les négociations, les Nations Unies dénonçant un « apartheid de genre ».
Mardi, jour décrété férié, les rues du centre-ville de la capitale, tombée le 15 août 2021 lorsque le gouvernement soutenu par les Etats-Unis s’est effondré et que ses dirigeants se sont exilés, ont été investies par les partisans des talibans. Plusieurs centaines d’hommes se sont rassemblés en face de l’ancienne ambassade américaine, en brandissant des drapeaux blanc et noir de l’Emirat islamique d’Afghanistan (nom donné au pays par ses nouveaux dirigeants).
Aucune femme n’était présente, et certains hommes prenaient, tout sourire, des selfies pendant que des chants rendant « gloire à Allah » retentissaient, quand d’autres effectuaient quelques pas de danse traditionnelle.
Des véhicules militaires de fabrication américaine, abandonnés par les forces internationales après leur retrait chaotique du pays, ont également effectué de multiples allers-retours dans les avenues adjacentes.
Arrivés au pouvoir à l’issue d’une guerre civile en 1996, les talibans en avaient été chassés en 2001, dans la foulée des attentats du 11 septembre aux Etats-Unis. Engagés dans une guérilla contre le gouvernement pro-occidental soutenu par des soldats américains et une coalition internationale, ils avaient investi le palais présidentiel de Kaboul le 15 août 2021 à l’issue d’une offensive fulgurante entamée trois mois plus tôt à la faveur du début du retrait des forces étrangères.
« Beaucoup d’espoir »
« C’est le jour où les Afghans ont libéré leur sol de ceux qui l’avaient envahi et occupé, et c’est aujourd’hui que nous avons obtenu cette indépendance », s’est félicité Adil Ghaznawi, 22 ans, interrogé par l’AFP. « Il y a beaucoup d’espoirs et du bonheur » a-t-il ajouté, en assurant que « la corruption » qui avait gangrené le précédent gouvernement et les institutions avait disparue.
« La sécurité a été assurée au cours de ces deux années, mais le marché du travail n’est pas favorable aux jeunes », a souligné pour sa part Abdulwase Qadri, chauffeur de touk-touk à Herat (ouest).
Le pays aux plus de 38 millions d’habitants fait face à l’une des pires crises humanitaires au monde. Dans la matinée une cinquantaine de défenseurs des talibans rassemblés dans les rues de Hérat ont scandé « Mort aux Européens ! Mort aux Occidentaux ! Vive l’Émirat islamique d’Afghanistan ! Mort aux Américains! ».
Le défilé militaire prévu dans la ville a été annulé tandis que celui à Kandahar, berceau du mouvement taliban et d’où le chef suprême reclus, Hibatullah Akhundzada, gouverne par décret, a été déplacé à l’intérieur d’un camp militaire à l’abri du grand public.
« Rétrogrades »
Les restrictions des droits des femmes – exclues de la vie publique ainsi que des voies d’accès à l’emploi et à l’éducation – constituent un obstacle majeur dans les négociations sur la reconnaissance du gouvernement par la communauté internationale et l’aide qu’elle pourrait apporter. « J’ai l’impression que leur victoire est en fait le début des malheurs des femmes afghanes », pointe Farah, étudiante en médecine à Kaboul, avant que les portes des universités du pays eurent été fermées aux femmes.
« J’ai l’impression de ne plus avoir de place dans la société (…). Je suis cantonnée à respecter les règles de quelques hommes qui ont des pensées rétrogrades et qui sont contre les droits des femmes », a-t-elle encore dénoncé au téléphone auprès de l’AFP. Les manifestations de femmes sont sévèrement réprimées en Afghanistan, mais à l’approche de cet anniversaire, de petits groupes de femmes ont organisé de rares et brèves manifestations contre le régime des talibans, en se masquant le visage.
« Nous avons manifesté pour que les Nations unies et les organisations de défense des droits de l’homme prêtent attention au fait que la moitié de la société est opprimée », a expliqué à l’AFP Zholia Parsi, une participante à un rassemblement organisé à huis-clos, mais diffusé sur les réseaux sociaux.
Dans le pays voisin, au Pakistan, une manifestation a rassemblé plus d’une centaine de personnes à Islamabad : « 15 août, journée noire en Afghanistan », pouvait-on lire sur une pancarte brandie par une manifestante.
« Nous condamnons fermement les violations flagrantes et croissantes des droits de l’homme commises par les talibans, en particulier à l’encontre des femmes et des jeunes filles, et l’absence de réponse efficace à ces violations de la part de la communauté internationale », a dénoncé mardi dans un communiqué dix organisations internationales de défense des droits humains.