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Afghanistan : l’armée américaine entame son retrait


Les États-Unis se sont engagés dans l’accord de Doha au retrait total des forces étrangères d’Afghanistan sous 14 mois. (Photo : AFP)

L’armée américaine a commencé à se retirer de deux bases d’Afghanistan, première étape de l’accord signé à Doha entre les États-Unis et les insurgés, alors que Kaboul devait statuer mardi sur un échange de prisonniers avec les rebelles.

Les bases sont situées à Lashkar Gah, la capitale de la province du Helmand (Sud), largement sous contrôle des insurgés, et dans la province d’Herat (Ouest), a précisé ce responsable américain sous couvert d’anonymat. Selon le texte de l’accord, le nombre de soldats américains sur place doit passer de 12000 ou 13000 à 8600 d’ici mi-juillet. Cinq de la vingtaine de bases américaines dans le pays doivent être évacuées. Les forces américaines conservent « tous les moyens (…) pour atteindre (leurs) objectifs », avait toutefois déclaré lundi le colonel Sonny Leggett, porte-parole des forces américaines en Afghanistan. Selon Omar Zwak, porte-parole du gouverneur du Helmand, seuls « 20 ou 30 » soldats étrangers ont toutefois quitté Lashkar Gah depuis le week-end. Désireux de mettre fin à la plus longue guerre de leur histoire, les États-Unis se sont engagés dans l’accord de Doha au retrait total des forces étrangères d’Afghanistan sous 14 mois, si les talibans respectent des engagements sécuritaires. Les insurgés doivent aussi, selon ce texte, participer à des discussions sur le futur du pays avec une délégation incluant le gouvernement afghan, que les talibans n’ont jamais reconnu. Mais ce dialogue inter-afghan, qui devait démarrer mardi mais sera selon toute vraisemblance repoussé, se heurtait à un obstacle de taille.

Les talibans considèrent l’accord comme une « victoire »

Le président Ashraf Ghani s’opposait depuis des jours à une des principales clauses négociées par les Américains et les rebelles : la libération de jusqu’à 5000 prisonniers talibans en échange de celle de jusqu’à 1000 membres des forces afghanes. Lundi, le secrétaire d’État américain, Mike Pompeo, a toutefois annoncé qu’un décret statuerait mardi sur la libération des prisonniers insurgés et la formation d’une équipe nationale pour les négociations inter-afghanes. Mais en début d’après-midi, le gouvernement afghan n’avait toujours pas communiqué sur le sujet. Les talibans ont fait de cet échange de prisonniers un prérequis à l’ouverture du dialogue avec Kaboul. « Nous avons soumis au camp américain une liste détaillée des 5000 personnes (prisonniers) », a écrit sur Twitter Suhail Shaheen, un porte-parole des talibans, ajoutant que les prisonniers devraient être remis au groupe qui procédera à une « vérification ». « Ils devront être les personnes dont le nom figure sur la liste », a-t-il précisé mardi. Un responsable taliban, interrogé, a de son côté accusé le gouvernement afghan de « prévoir de ne libérer que les prisonniers qui sont âgés, très malades, ou ceux dont la peine est arrivée à son terme ».

Kaboul apparaît plus que jamais désuni, alors qu’Ashraf Ghani, vainqueur de la présidentielle de septembre, et son principal rival Abdullah Abdullah, qui revendique également la victoire, se sont tous deux déclarés présidents d’Afghanistan lundi, plongeant le pays dans une crise institutionnelle. Ces disputes font craindre qu’un gouvernement affaibli ne puisse faire face aux talibans, qui risquent de gagner en puissance avec le retrait progressif des forces américaines, notamment dans les parties du pays où les insurgés sont déjà très présents. Le Helmand, où la retrait des troupes américaines a démarré, est notamment considéré comme un bastion des insurgés, où les troupes américaines et britanniques ont été particulièrement visées en 18 ans de conflit afghan. Les talibans, qui considèrent l’accord comme une « victoire » contre les États-Unis, ont déjà commencé à mettre à l’épreuve la volonté de Washington de protéger ses partenaires afghans, avec des dizaines d’attaques recensées depuis la signature du texte à Doha. Le 3 mars, l’armée américaine s’était résolue à une première frappe aérienne contre les talibans depuis l’accord après qu’ils eurent attaqué à 43 reprises en une journée les forces afghanes dans le Helmand.

LQ/AFP