Au moins 30 villageois dont des enfants ont été tués par des insurgés se revendiquant du groupe Etat islamique dans le centre de l’Afghanistan, ont annoncé mercredi des responsables locaux, faisant craindre l’apparition de l’EI au-delà de ses bases originelles dans l’est du pays.
Jusqu’à présent, l’EI avait revendiqué deux attaques spectaculaires contre la communauté chiite dans Kaboul – en juillet, 85 morts et plus de 400 blessés et le 10 octobre, 18 morts et 50 blessés – mais semblait cantonné à quelques districts de la province du Nangarhar (est) principalement.
Selon le gouverneur de la province de Ghor, territoire isolé situé dans le centre du pays, à mi-chemin de Kaboul et de la grande ville de Herat (ouest), « Daech » (acronyme arabe de l’EI qu’il a employé) a tué mardi soir « environ 30 civils dont des enfants qu’ils avaient pris en otages », des villageois, pour la plupart des bergers.
Cette tuerie s’est produite en représailles à la mort d’un commandant de l’EI, a indiqué mercredi le gouverneur Nazir Khazeh. « Les forces de sécurité, avec l’aide des villageois ont mené hier (mardi) une opération au cours de laquelle un commandant nommé Farouk a été tué. En retour, les combattants de Daech ont enlevé une trentaine de villageois, la plupart des bergers. Leurs corps ont été découverts par des gens de la région ce matin », a-t-il raconté.
Selon un porte-parole de la province, Abdul Hai Khatebi, « les villageois voulaient empêcher les combattants de Daech de voler leur bétail quand le commandant Farouk a été tué ». Le porte-parole a également rapporté que les corps, découverts par des gens du pays mercredi matin, étaient « criblés de balles ».
Les talibans ont rapidement pris leurs distances avec cette tuerie ciblant des civils: « Nous n’avons rien à voir dans l’incident de Ghor. Nous sommes en train d’enquêter » a indiqué leur porte-parole Zabihullah Mujahid.
Un membre du conseil provincial, Abdul Hamid Nateqi, a précisé que deux membres des forces de sécurité avaient été tués dans l’opération et a confirmé que la prise d’otages avait eu lieu « pour venger la mort du commandant » de l’EI.
D’après lui, des combats ont aussi opposé deux tribus tadjikes, qui s’étaient déjà affrontées dans le passé: les villageois Khodayar se sont rangés au côté des forces de l’ordre pour affronter les Morghabi, partisans autoproclamés de l’EI, a-t-il expliqué. « Nous ne savons pas quels sont exactement les liens des Morghabi avec Daech, mais ils en partagent l’idéologie » a-t-il indiqué, notant qu’auparavant ce groupe était lié aux talibans et affrontait le gouvernement en leur nom.
« Ils étaient impliqués dans des enlèvements, des vols.. Quand la présence de l’EI a été signalée dans le Nangarhar, ils ont progressivement quitté les talibans pour se revendiquer de Daech ».
Dans un communiqué, le président Ashraf Ghani a dénoncé « des assassinats haineux » aux relents « criminels ».
Des partisans de l’EI sont apparus début 2015 dans l’est de l’Afghanistan où ils se sont fréquemment accrochés avec les talibans, qui contrairement à eux ne visent pas le jihad global mais combattent le gouvernement afghan et réclament le départ des troupes occidentales du pays.
La tuerie de Ghor est la première opération de cette ampleur perpétrée si loin de leurs bases connues.
« Ils (EI) annoncent leur émergence à Ghor en assassinant des dizaines de personnes » note Borhan Osman, chercheur de l’Afghanistan Analysts Network à Kaboul, qui confirme que la plupart de leurs combattants sur place sont »‘d’anciens talibans ».
Après le carnage perpétré contre une marche pacifique de la minorité chiite hazara le 23 juillet dans Kaboul, les forces américaines de l’Opération Resolute Support (RS) sous mandat de l’Otan, ont multiplié les frappes aériennes contre les positions de l’EI dans l’est.
Selon leur porte-parole, le général Charles Cleveland, ils sont dorénavant contenus dans trois districts de la province du Nangarhar, et estimés à « 1.000 combattants » environ contre 3.000 en janvier.
Mais dimanche, le général John Nicholson, patron de RS, a indiqué « qu’en dépit du nombre élevé de victimes que nous leur avons infligé avec nos partenaires afghans, ils (les combattants de l’EI) semblent très déterminés à établir un califat du Khorasan » en Afghanistan.
Le Quotidien / AFP