La Première ministre britannique Theresa May, affaiblie par son revers aux élections législatives, était toujours à la recherche d’une majorité au Parlement dimanche alors que les discussions se poursuivent avec le parti nord-irlandais DUP en vue d’un accord.
Dans une séquence symbolisant le chaos politique dans lequel est plongé le Royaume-Uni depuis jeudi, Downing Street a d’abord annoncé samedi qu’un accord de principe avait été trouvé avec le DUP, petit parti protestant ultra-conservateur devenu indispensable aux conservateurs pour avoir une majorité au Parlement. Avant de rectifier sa position dans la nuit, indiquant que Theresa May avait « discuté avec le DUP pour évoquer la finalisation d’un accord lorsque le parlement reprendra ses travaux la semaine prochaine ». « Les discussions ont été positives jusque-là. Elles continueront la semaine prochaine pour peaufiner les détails et trouver un accord », a également indiqué le DUP, dont les dix élus permettraient aux Tories (318 députés) d’atteindre les 326 sièges requis pour avoir la majorité absolue.
Le nouveau Parlement siégera une première fois mardi, avant d’accorder ou non sa confiance au nouveau gouvernement le lundi 19 juin, le jour prévu pour lancer les négociations sur le Brexit. Après le cuisant revers qu’elle a subi au scrutin anticipé de jeudi, la pression était toujours aussi forte sur Theresa May. Arguant d’un besoin de « stabilité » face à l’urgence du Brexit, la Première ministre a refusé de démissionner et a reconduit dès vendredi les poids lourds de son gouvernement, Philip Hammond (Finances), Boris Johnson (Affaires étrangères), David Davis (Brexit), Amber Rudd (Intérieur), Michael Fallon (Défense).
Samedi, lors d’une conversation téléphonique avec la chancelière allemande Angela Merkel, elle a d’ailleurs « confirmé son intention de débuter comme prévu les discussions sur le Brexit dans les deux semaines ». Mais la presse britannique indique dimanche que Boris Johnson se prépare à lui contester sa place, appuyé selon le Sunday Times par cinq ministres de premier plan. L’ancien maire de Londres a démenti en assurant qu’il était « à 100% derrière Theresa May ». Cette dernière a déjà dû lâcher du lest avec le départ de ses deux chefs de cabinet, Fiona Hill et Nick Timothy, fidèles parmi les fidèles.
« Discréditée, humiliée, diminuée »
D’après plusieurs médias britanniques, des poids lourds du parti tory ont réclamé leur tête à la Première ministre si celle-ci ne voulait pas risquer d’être mise elle-même sur la sellette. Les deux chefs de cabinet de Theresa May, qui la conseillaient déjà lorsqu’elle était ministre de l’Intérieur entre 2010 et 2016, étaient accusés d’avoir supervisé une campagne « catastrophique ». « Discréditée, humiliée, diminuée. Theresa May a perdu sa crédibilité et son influence dans son parti, dans son pays et en Europe », tranche dimanche l’hebdomadaire The Observer.
Le leader travailliste Jeremy Corbyn, dont le parti est arrivé deuxième au nombre de voix jeudi après une forte percée, a déclaré au Sunday Mirror qu’il y avait toujours une chance que ce soit lui le prochain Premier ministre si Theresa May échoue à former un gouvernement.
Le projet d’alliance entre les conservateurs et le DUP fait lever des sourcils, notamment à cause du conservatisme du parti nord-irlandais, opposé au mariage des homosexuels et à l’avortement. Une pétition dénonçant « une tentative désespérée et choquante pour rester au pouvoir » a déjà recueilli 600 000 signatures. Quelques centaines de personnes ont aussi manifesté près de Downing Street samedi en scandant « Raciste, sexiste, anti-gay, le DUP doit partir ». Au sein même du parti tory, Ruth Davidson, à la tête des conservateurs écossais, a posé ses conditions. « J’ai demandé à Theresa May l’assurance catégorique qu’en cas d’accord avec le DUP les droits de la communauté LGBT continuent à être respectés dans le reste du Royaume-Uni », a prévenu celle qui a prévu de se marier prochainement avec sa compagne irlandaise. La dépendance vis-à-vis du DUP pose également la question de la neutralité du gouvernement britannique en Irlande du Nord, une région toujours soumise à de fortes tensions, vingt ans après la fin des « Troubles ».
Le Quotidien/AFP