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À vélo, des Saoudiennes brisent les tabous en pédalant


L'association "Courage" attire des femmes de tout âge. (photo AFP)

Comme pour de nombreuses Saoudiennes, Samar Rahbini a longtemps pensé que faire du vélo dans le royaume ultraconservateur était tout simplement « impossible ». Mais aujourd’hui, cette amatrice du deux-roues réalise son rêve dans les rues de Jeddah.

Dans cette grande ville de l’ouest de l’Arabie saoudite réputée la plus ouverte du pays, cette femme de 23 ans dirige l’association « Courage », qui comprend des centaines de jeunes cyclistes, hommes et femmes. Du courage, il leur en faut, dit-elle, pour faire du vélo « en public et dans des lieux bondés ».

« Avant 2017, la situation était extrêmement difficile car la société n’acceptait pas que les femmes fassent du sport de manière générale et du vélo en particulier », raconte cette étudiante en informatique.

Mais depuis quatre ans, le riche État pétrolier s’est lancé, sous la houlette du jeune prince héritier Mohammed ben Salmane, dans une campagne de réformes économiques et sociales pour adoucir son image austère et conservatrice.

Scène inhabituelle 

Les femmes ont été autorisées à conduire, les cinémas ont rouvert et la mixité a été permise lors des événements sportifs.

Mais cette ouverture s’est accompagnée d’un verrouillage politique implacable contre les critiques du pouvoir du prince héritier, et de nombreuses militantes des droits des femmes sont détenues ou dans le collimateur de la justice.

Avant, « les gens nous fixaient du regard, prenaient des photos, s’étonnaient en nous voyant faire du vélo. Ils ne comprenaient pas ce qui se passait », affirme Samar Rahbini.

Aujourd’hui, la scène suscite encore des regards ébahis des passants, mais elle commence à devenir plus « familière » en raison du nombre de plus en plus important de femmes qui pédalent en public.

Peu de personnes se servent du vélo comme moyen de transport au pays de l’or noir, à l’exception d’ouvriers qui n’ont pas les moyens d’acheter une voiture ou d’adolescents qui n’ont toujours pas de permis. Tous sont des hommes. La pratique de ce sport par les femmes reste largement considérée comme inappropriée.

Vêtue d’un survêtement noir recouvert d’une veste blanche, les cheveux au vent sous son casque, Samar Rahbini affirme faire du vélo au moins deux heures chaque matin avant d’aller à l’université.

« Découvrir des loisirs »

En plus de ses sorties quotidiennes, Samar Rahbini passe plusieurs heures par semaines à transmettre sa passion pour le cyclisme à d’autres jeunes.

Tous les vendredis matin, des dizaines de jeunes, dont beaucoup de filles, se réunissent pour une sortie avec l’association « Courage », qui loue les vélos pour une somme modique et les fournit parfois gratuitement à ceux qui n’en ont pas les moyens. L’association attire des femmes de tout âge, à l’instar de Fatima Salem, femme au foyer de 44 ans pour qui vélo rime avec « divertissement, sport et santé ».

Chaque vendredi matin depuis un an, elle participe aux sorties de « Courage » avec son mari. « Enfant, je faisais du vélo, puis de nombreuses années se sont écoulées sans que j’en refasse. Aujourd’hui, c’est devenu une partie importante de ma vie », raconte cette mère de quatre enfants, portant un foulard et un t-shirt rose au-dessus de son survêtement.

« C’est génial de permettre aux femmes de découvrir des loisirs », poursuit-elle. Mais le chemin reste encore long dans le royaume, où il n’y a pas de voies réservées aux vélos, ce qui rend la pratique de ce sport très dangereuse.

Le gouvernement doit « prévoir des voies pour les cyclistes, afin que nous puissions nous en servir comme moyen de transport », insiste Samar Rahbini. « Mon rêve est que chaque Saoudienne puisse faire du vélo. »

AFP/LQ