Les dirigeants européens réunis vendredi en sommet à Malte se sont engagés à aider la Libye à lutter contre les passeurs, gage essentiel selon eux pour faire face au défi migratoire en Méditerranée, en dépit des critiques de certaines ONG.
« La déclaration de Malte », publiée à la mi-journée, énumère 10 priorités destinées à « briser le modèle économique » des passeurs, à sécuriser les frontières du pays ou encore à assurer des conditions décentes aux migrants bloqués dans la région.
Les discussions ont été « plus rapides qu’attendu », témoignant du consensus qui s’est dégagé au sein de l’UE sur la question, selon une source européenne.
Le président du Conseil européen Donald Tusk l’avait affirmé avant le sommet: « il est temps de fermer la route allant de la Libye à l’Italie ». Beaucoup restent néanmoins sceptiques devant l’ampleur de la tâche dans un pays en proie au chaos depuis 2011 et où le gouvernement d’union nationale, en place à Tripoli, est loin de contrôler tout le territoire.
Au moment même où se déroulait le sommet, plus d’un millier de migrants ont d’ailleurs été sauvés au large de la Libye par deux navires humanitaires, qui ont décrit des situations de « cauchemar » en plein hiver.
Dix mois après la quasi-fermeture de la route migratoire passant par la mer Egée, un nombre record de traversées a été enregistré via la Méditerranée centrale: plus de 181.000 tentatives en 2016, dont 90% partis de Libye.
« Nous savons que la situation des réfugiés est dramatique en Libye. C’est pour cela que nous devons procéder dans le même contexte qu’en Turquie: empêcher l’illégalité, mettre fin au jeu des passeurs et des trafiquants et améliorer la situation des réfugiés », a expliqué à son arrivée à La Vallette la chancelière Angela Merkel.
L’UE va renforcer un programme de formation des garde-côtes libyens, qui agissent dans leurs eaux territoriales où ne peuvent entrer les opérations de sauvetage et de surveillance chapeautées par l’UE, dans l’espoir de limiter le nombre de personnes arrivant sur le territoire européen.
Elle se fixe également pour objectif d’améliorer la situation économique des communautés locales en Libye et de coopérer avec le Haut commissariat aux réfugiés (HCR) de l’Onu et l’Organisation internationale des migrations (OIM), pour assurer de bonnes conditions d’accueil aux migrants stoppés et assister les volontaires dans un retour vers leur pays d’origine.
Les deux agences avaient précédemment exhorté les Européens à ne pas recourir à la « détention automatique… dans des conditions inhumaines en Libye » mais d’opter pour « la création de services d’accueil appropriés ».
Les dirigeants ont aussi exprimé leur soutien à l’Italie qui vient de s’engager à fournir des moyens financiers et matériels pour soutenir les initiatives libyennes, depuis un renforcement des gardes-côtes jusqu’à la mise en place de camps sous autorité du ministère de l’Intérieur libyen desquels doivent être organisés les retours.
L’UE s’attèle à un difficile exercice d’équilibre sur la question migratoire, affirmant sa « détermination d’agir dans le respect total des droits de l’homme, de la loi internationale et des valeurs européennes », au moment où elle se montre plutôt critique à l’égard de la politique migratoire prônée par le président américain Donald Trump, dont l’ombre n’a cessé de planer au-dessus des dirigeants européens à Malte.
De nombreuses organisations internationales et ONG ont déjà mis en garde contre les mesures envisagées: « se limiter à refouler des enfants désespérés dans un pays que beaucoup décrivent comme un enfer n’est pas une solution », a ainsi dénoncé Save the children à Bruxelles.
Près de 1.200 migrants ont péri en mer entre la Libye et l’Italie au cours de l’hiver, dont 190 enfants, soit 13 fois plus qu’à la même période un an plus tôt, selon les estimations de l’Unicef.
La chef de la diplomatie européenne Federica Mogherini a assuré que l’UE pouvait se « différencier » sur la question migratoire par une approche ayant pour objectif de « sauver des vies ».
Le Quotidien / AFP