Donald Trump gagne, gagne, gagne, comme promis. Des ultra-conservateurs aux centristes, le candidat républicain à la Maison Blanche rassemble une coalition indéfectible d’électeurs en colère qui pourraient bien, sans réaction de sa concurrence, le pousser jusqu’à l’investiture en juillet.
«Nous avons gagné chez les évangéliques. Chez les jeunes. Chez les vieux. Les diplômés, et les gens qui n’ont pas fait d’études. J’adore les gens qui n’ont pas fait d’études», a déclaré Donald Trump mardi soir après avoir remporté la consultation du Nevada, en se référant, avec exactitude, aux sondages réalisés à l’entrée des bureaux de vote.
«Selon les experts, on n’était pas censé gagner grand chose, et maintenant on gagne, gagne, gagne le pays», a-t-il dit, répétant son mot favori. Les chances de Donald Trump, 69 ans, s’améliorent car il a prouvé qu’il n’était pas le candidat d’une faction.
Il est arrivé premier aux primaires de trois États très différents: le New Hampshire, où plus d’un quart des votants étaient «modérés»; la Caroline du Sud, où les trois quarts étaient chrétiens évangéliques; et le Nevada, où 15% des votants n’étaient pas blancs, la plus forte proportion de minorités à ce jour aux primaires républicaines.
Systématiquement, Donald Trump réalise son meilleur score parmi les Américains ayant moins que le bac. Mais il domine aussi chez les diplômés. Il arrive donc avec le vent en poupe dans les 11 États, surtout dans le Sud et au Texas, qui voteront aux primaires mardi prochain, avec un quart des délégués en jeu.
«Il est indiscutable que Donald Trump a les meilleures chances de gagner l’investiture», a commenté le candidat républicain à la présidentielle de 2012, Mitt Romney, sur Fox News, tout en taclant l’homme d’affaires pour n’avoir toujours pas publié ses déclarations de revenus. «La porte est en train de se refermer pour les autres candidats encore en course».
Loin derrière le milliardaire, les sénateurs Marco Rubio (Floride) et Ted Cruz (Texas) voudraient chacun consolider le vote anti-Trump. Mais deux autres candidats plus marginaux persistent: le gouverneur de l’Ohio John Kasich et le neurochirurgien à la retraite Ben Carson.
Dans chaque État, les sondeurs demandent à un échantillon d’électeurs républicains s’ils sont «en colère» ou «insatisfaits» contre l’Etat fédéral: environ 90% répondent oui. Il y a quatre ans, une autre question était posée: soutenez-vous le Tea Party ? C’est cette souche de mécontentement que Donald Trump a saisie en la faisant prospérer mieux qu’aucun de ses prédécesseurs.
Rejet des élites
Cary Covington, politologue à l’Université de l’Iowa, voit une filiation avec le mouvement des électeurs de «l’ordre» dans les années 1960, les démocrates pro-Reagan des années 1980 ou encore la «majorité morale» des années 1990.
Leur point commun: au-delà de la déception envers un parti républicain jugé incapable de concrétiser ses promesses conservatrices, ces électeurs sont désabusés, désenchantés. «Le phénomène le plus significatif des 30 ou 40 dernières années est la défiance croissante des Américains envers leurs institutions politiques», dit Cary Covington à l’AFP. «Le puits du parti républicain est contaminé aux yeux de ce groupe. S’ils perçoivent un candidat comme proche de l’establishment, il devient inacceptable».
En théorie, Donald Trump était censé se heurter à un «plafond» mais dans le Nevada il a apparemment sauté: il y a remporté 46% des voix, bien plus que le tiers d’électeurs républicains auquel il était habitué à ce stade. Donald Trump a des réserves de voix car il n’est pas figé idéologiquement. Il fut longtemps démocrate. Cette année, sur les armes à feu et l’avortement, il est ultra-conservateur.
Il a par exemple affirmé mercredi, lors d’un forum à l’université chrétienne Regent à Virginia Beach, qu’il aurait un critère pour nommer de futurs juges à la Cour suprême: anti-avortement. Mais il sait aussi appâter les centristes, voire la gauche. Il répète qu’il veut abolir la réforme du système de santé de Barack Obama, qui vise à ce que chaque habitant soit assuré. En même temps, il formule une promesse équivalente: sous une présidence Trump, «personne ne mourra dans la rue parce qu’il est malade et n’a pas d’argent».
«Je suis conservateur, au fait, pour information», a-t-il précisé en meeting mardi. Mais même sa vision du capitalisme est teintée de protectionnisme: «Je crois au libre-échange, mais il faut que ce soit intelligent, on ne peut pas continuer à se faire arnaquer». Pour Cary Covington, cette flexibilité idéologique pourrait faire de Donald Trump un président in fine plus acceptable pour l’appareil républicain que Ted Cruz, champion d’une droite idéologique et intransigeante, d’ailleurs détesté par la plupart de ses collègues du Congrès.
AFP