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50 ans du MLF : quel héritage pour les féministes de la nouvelle génération ?


Aujourd'hui, les femmes se battent toujours pour leurs droits les plus fondamentaux sans cesse bafoués. (illustration AFP)

Cinquante ans après sa création, les jeunes féministes reconnaissent l’héritage du Mouvement de Libération des Femmes (MLF) sans pour autant le connaître en détail, ce qui soulève des enjeux de transmission et de mémoire de l’histoire du féminisme.

« Un mouvement fondé par Simone Veil ? » « C’était dans les années 50-60 ? » Des féministes d’une vingtaine d’années confient que leur connaissance du mouvement est un peu « floue ». Julie, 22 ans, qui va à toutes les marches féministes, se souvient vaguement d’une photo en noir et blanc dans un livre d’histoire, celle de la marche pour l’avortement du 6 octobre 1979.

« Les femmes plus âgées dans mon entourage ne m’en ont jamais parlé », s’étonne cette étudiante à Paris, qui a pourtant « grandi dans une famille féministe ». « Il faut distinguer les militantes hyper actives qui militent depuis 10-15 ans et qui ont peut-être eu une formation plus approfondie et puis les toutes jeunes qui arrivent tout juste. Ce n’est pas tout à fait la même vision, la même formation », explique l’historienne des féminismes, Bibia Pavard.

Occupée par les manifestations et concentrée sur les luttes du moment, la nouvelle génération de féministes n’a pas forcément le temps de « se faire une éducation féministe ». « Vu qu’on ne nous apprend pas l’histoire du féminisme et qu’il faut se former seul, ce n’est pas le mouvement le plus connu en ce moment », reconnaît Camille, membre de Collages contre les féminicides Paris. « Mais je pense qu’il n’y a pas besoin de connaître et de reconnaître le MLF pour que le mouvement ait un impact aujourd’hui. »

Des combats respectés

Les jeunes féministes et militantes saluent en effet les acquis permis par la lutte du MLF : l’avortement, la loi contre le viol et la libre disposition de son corps, entres autres. « On connaît juste la date des lois et on a l’impression que ça s’est passé tout seul alors que s’il y a des choses qui changent, c’est parce qu’il y a des gens qui ont fait changer les choses », estime Juliette, 23 ans, qui regrette que ces combats ne soient pas plus enseignés à l’école.

Les jeunes féministes se distancient également du MLF qu’elles perçoivent comme prenant insuffisamment en compte d’autres discriminations rencontrées par les femmes (racisme, homophobie, etc.), même si cette vision est « réductrice », selon Bibia Pavard, qui rappelle que le féminisme des années 1970 n’était pas uniforme. Caroline De Haas, du collectif Nous Toutes, a l’impression que, à l’exception des 40 ans du MLF qui a été un moment fort, « la transmission n’est pas pensée de manière automatique » pour les mouvements féministes « comme pour tous les mouvements sociaux ».

Un espace public encore à conquérir

« La parole des femmes est déjà dure à faire entendre dans l’espace public sur les sujets d’aujourd’hui donc il n’y a pas vraiment de place pour transmettre cette histoire », regrette Aude, 22 ans, qui va emprunter des ouvrages dans une médiathèque pour « refaire son éducation ». Un constat partagé par les jeunes féministes qui se forment grâce à des comptes pédagogiques sur Twitter ou Instagram, à des podcasts ou à des articles. Appris sur internet ou grâce à des militantes du MLF encore actives, les slogans et l’hymne du mouvement sont repris en manifestation.

Selon Bibia Pavard, il y a une poursuite des mêmes revendications et au-delà de modes d’actions comme « l’irruption dans l’espace public » du féminisme, à travers des mouvements tels que les Colleuses, les Femen ou La Barbe. « On ressent un besoin de se replonger dans les anciens mouvements féministes pour mieux construire le féminisme d’aujourd’hui », estime Aude.

Les figures historiques du MLF voient ce renouveau d’un bon œil. « Il faut qu’elles sachent qu’elles ont des prédécesseures et qu’elles s’inspirent de ce qui les inspire », assure Cathy Bernheim, écrivaine et militante historique du MLF.

LQ/AFP