Du « jamais vu »! Deux autoroutes du Sud de la France, dont un axe important vers l’Espagne, étaient fermées vendredi sur près de 400 kilomètres par la fronde du monde agricole. Dans un silence inhabituel, seuls des convois de tracteurs roulent sur les voies.
« Les manifestations sont assez rares dans le monde paysan, mais je pense que celle-là, elle va marquer », a expliqué Sylvain Robert, viticulteur dans l’Hérault, rappelant le « ras-le-bol général » de sa profession entre les taxes et les normes « qui sont sans arrêt changées ».
Vendredi matin au péage de Saint-Jean-de-Védas, près de Montpellier, il a rejoint un convoi de près de 600 véhicules dont 315 tracteurs, tous feux clignotants, brandissant des pancartes alternant ton alarmiste (« notre fin = votre faim ») ou plus bon enfant (« un canon, c’est sauver un vigneron »).
Ce péage était le point de rassemblement de plusieurs convois de la région qui ont ensuite convergé vers Montpellier et la préfecture de l’Hérault, selon des journalistes.
Face à cette action spectaculaire, les autorités avaient décidé de fermer dès le petit matin l’A9 dans les deux sens entre Orange (Vaucluse) et Sigean (Aude), un axe très emprunté par les poids-lourds entre l’Espagne et la France.
Le long de la vallée du Rhône, même décision: l’A7 a été fermée entre Chanas (Isère), au sud de Lyon, et Orange « par précaution », a indiqué la préfecture de la Drôme.
« On n’avait jamais vu ça, d’une telle ampleur et sur une telle durée », a expliqué une porte-parole de la société exploitante Vinci autoroutes.
Conséquence de ces fermeture, le réseau secondaire était par endroit saturé, la préfecture du Gard appelant à la prudence car « de nombreux véhicules sont présents sur le bas-côté des routes ».
Sur les réseaux sociaux, les usagers s’inquiétaient alors que l’A7 est normalement empruntée quotidiennement par 70.000 véhicules, dont de très nombreux poids lourds en provenance de toute l’Europe, et l’A9 par à peu près autant.
« La circulation sera-t-elle rouverte cet aprem ? Avez vous une idée ? », interpelle une usagère sur X. « La situation évolue d’heure en heure », lui répond le compte @A7Trafic.
« Au moins pour la journée »
« On va rester au moins pour la journée, tout dépendra des annonces mais il faut qu’elles soient costaud parce que là les gens, ils sont déterminés », a expliqué Damien Onorre, membre de la direction du Syndicat des vignerons de l’Aude.
Depuis une semaine, une partie des agriculteurs français manifeste, bloquant des routes, déchargeant par endroit des camions étrangers ou déversant du lisier devant des préfectures. Nombre d’entre eux, qu’ils soient en agriculture conventionnelle ou biologique, dénoncent la baisse de leurs revenus, la complexité administrative ou des normes changeantes ou trop lourdes.
Face à cette fronde qui touche une grande partie de la France, le Premier ministre Gabriel Attal est attendu vendredi après-midi dans une exploitation bovine de Haute-Garonne où il échangera avec des agriculteurs et tentera de répondre à leur colère, selon Matignon.
En attendant, les autorités, à l’image du préfet de l’Hérault, appellent à des manifestations « pacifiques ».
« On a demandé un mouvement calme et respectueux. Il y en avait beaucoup qui venaient pour se faire entendre et pas forcément de la bonne manière », assure Marion Lorente, 30 ans, éleveuse de poules pondeuses et de brebis allaitantes dans l’Hérault, rencontrée sur l’A9.
« Nous sommes sur l’autoroute mais nous ne casserons rien, nous ne dégraderons rien et nous balayerons toute notre portion d’autoroute quand on partira », promet de son côté Thierry Sénéclauze, présent lui sur un barrage stationnaire de l’A7 au niveau d’Albon (Drôme).
Du lisier a été déversé, de la paille brûlée à plusieurs endroits. En sortant de l’autoroute, devant un supermarché Carrefour de Saint-Jean-de-Védas, certains manifestants ont brûlé de la paille et vidé des pommes pourries, a constaté un photographe.
D’autres portions d’autoroutes étaient bloquées en France comme en Bourgogne où l’A6 était fermée par décision préfectorale sur une centaine de kilomètres en raison d’un blocage au niveau de Pouilly-en-Auxois (Côte-d’Or)