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Viviane Loschetter : «Douze ans, ça suffit!»


(Photo Julien Garroy)

L’écologiste Viviane Loschetter a vécu hier son dernier conseil communal. Bien avant les élections, elle avait prévenu qu’elle quitterait la scène politique locale. Elle revient sur ses 18 années d’élue.

Son bureau est pratiquement vide, les derniers sacs attendent d’être embarqués dans un coin. Sur le mur, par contre, le mot «Youth» reste affiché en grandes lettres : pour l’enlever, il faudra repeindre. Viviane Loschetter est prête à quitter l’hôtel de ville avec un paquet de bons souvenirs et de fiertés légitimes. Mais aussi avec un gros regret, cette fin de parcours en queue de poisson.

Quels étaient vos engagements avant d’entrer au conseil communal?

Viviane Loschetter : Je suis pédagogue sociale de profession. C’est-à-dire que je travaillais dans la réinsertion professionnelle d’adultes à besoins spécifiques. J’ai accompagné des handicapés physiques, des accidentés de la route, des personnes qui souffraient de problèmes psychiques. À côté de cela, je milite depuis très longtemps pour le droit des femmes, l’écologie – au sein du Mouvement écologique –, j’ai été déléguée de l’OGBL… Je suis dans les ONG depuis toujours!

Et comment vous êtes-vous retrouvée au conseil communal?

J’y suis entrée en 1999, en même temps que François Bausch. À l’époque, nous étions tombés de trois à deux sièges. J’ai donc passé mes six premières années au sein de l’opposition. Je ne savais absolument pas comment fonctionnait un conseil, ça m’a laissé le temps d’apprendre.

Pour vous qui travailliez dans le secteur social, la politique était-elle une vocation?

Je ne pensais pas à en faire avant qu’on ne me le demande! Je me suis d’abord présentée pour les élections législatives de juin 1999 et, comme j’ai fait un bon score, on m’a proposé une place sur la liste des communales en octobre. Et j’ai été élue!

Six ans plus tard, vous quittez le siège de conseillère pour rejoindre l’estrade des échevins, comment s’est passé ce grand saut?

En 2005, François (Bausch) et moi avions une liste de candidats très performants et nous sommes passés de 2 à 5 sièges. Puisque nous avions beaucoup progressé, nous avons revendiqué d’entrer dans la majorité. Paul Helminger a accepté de faire ce pas avec nous, il a été courageux. Lors de ce premier mandat, François avait les ressorts de la mobilité et des finances et moi, j’avais l’environnement et l’enfance.

Quels ont été les dossiers qui vous ont alors le plus marquée?

Je me suis lancée dans la restructuration des foyers scolaires, qui dépendaient du Capel (NDLR : Centre d’animation pédagogique et de loisirs). Nous avions beaucoup de retard, il restait trop de conteneurs. Je suis très fière d’avoir introduit les cuisines sur place avec des cahiers des charges stricts, en particulier sur les produits bios, régionaux et de saison. Auparavant, tout venait d’une cuisine centrale. Il a fallu convaincre le conseil communal de la plus-value de l’opération, même si cela coûtait beaucoup d’argent. À cette époque, nous avons également refondé la Haus vun der Natur, à Kockelscheuer, en apportant un nouveau bâtiment et des éducateurs et éducateurs gradués pour encadrer les enfants, dès le préscolaire.

Six années plus tard, vous confirmez votre performance des élections de 2005 et vous poursuivez votre action dans le collège échevinal…

Cela m’a permis de véritablement lancer le service environnement. Tout était à faire! J’ai engagé un délégué à l’environnement, ce qui a permis la création du plan communal environnemental. Aujourd’hui la cellule – qui dépend directement du collège échevinal – compte quatre personnes. Le plus important a été de tout mettre en réseau. Il ne s’agit pas d’une politique spectaculaire, plutôt de petits pas où l’on apprend que, parfois, il faut faire marche arrière pour recommencer… Nous avons également remis les forêts à leur juste valeur avec le label FSC, par exemple. Avant, tout ce que l’on avait fait pour elles était de lancer des battues pour tuer les sangliers. Le 1er janvier 2017, nous avons aussi banni les pesticides, ce qui n’a pas été évident à faire passer à nos services et à la population qui râlaient contre les mauvaises herbes! Je pense également aux jardins communautaires (NDLR : quatre aujourd’hui), de petites choses mais tellement difficiles à mettre en place… Aujourd’hui, ils ont tous un succès fou. Grâce au service environnement, la question de l’efficience énergétique de nos bâtiments est devenue aujourd’hui une question standard.

De quoi êtes-vous la plus fière dans le volet de la politique sociale?

Le premier échevin aux affaires sociales a été Xavier Bettel. Avant lui, il n’y avait rien. Mon premier objectif, là aussi, a été d’institutionnaliser un réseau liant tous les acteurs. Pour savoir où se situent les besoins, il faut demander à ceux qui savent : donc il faut travailler avec les ASBL, les fondations et les ONG. Et ensuite, il faut convaincre tout le monde que lorsqu’une question sociale se présente, il faut d’abord lui donner une solution sociale. Ce n’est pas une question de coûts, mais de qu’en-dira-t-on. Il a fallu passer ce cap pour se rendre compte qu’un abri de jour ou de nuit pour les sans-abri est une énorme plus-value pour tout le monde.

Mon plus grand regret, bien sûr, est de ne pas pouvoir remettre tous les dossiers à François (Benoy) alors que nous travaillions ensemble pour préparer la suite…

Après 18 ans sans interruption au conseil communal, dont les 12 derniers en tant qu’échevine, quel est votre plus grand regret?

(Elle soupire) Mon plus grand regret, bien sûr, est de ne pas pouvoir remettre tous les dossiers à François (Benoy), alors que nous travaillions ensemble pour préparer la suite… J’espère que mon successeur poursuivra ce que j’ai lancé.

Vous avez des doutes?

J’ai la prétention de penser que ce que j’ai créé n’a pas besoin de moi pour survivre (elle sourit). Maintenant, il faudra que ces ressorts soient entre de bonnes mains.

Pourquoi avez-vous décidé de ne pas vous représenter cette année?

C’était clair dans ma tête : douze ans, ça suffit! Il faut être disponible tous les jours, être très près du quotidien des citoyens, avoir de nouvelles idées… Je pense que si l’on commence à sentir arriver la routine, il faut arrêter et laisser la place aux autres. D’autant qu’au sein de mon parti, la relève est jeune et motivée.

Vous n’en avez toutefois pas fini avec la politique : vous êtes toujours députée et présidente du groupe écologiste à l’assemblée.

Ah oui! D’ailleurs, tout le temps que je ne mettrais plus pour la politique communale, je vais le mettre dans la politique nationale. Je vais me concentrer sur les législatives de 2018 pour soutenir les verts. Je veux participer au développement des perspectives pour les cinq prochaines années.

La campagne des législatives a déjà commencé, non?

Oui, dès que les résultats des communales ont été annoncés.

Entretien avec Erwan Nonet

Dites échevine, pas échevin!

En 2005, Viviane Loschetter accède à la fonction d’échevine de la Ville de Luxembourg. Le premier rapport tangible avec sa nouvelle fonction, c’est ce nouveau bureau qui lui est réservé au rez-de-chaussée de l’hôtel de ville. Au premier jour de sa nouvelle position, alors qu’elle vient s’installer, elle voit le petit panneau qui indique «Viviane Loschetter, échevin». «Ça ne m’a pas plu du tout! rigole-t-elle aujourd’hui. J’ai été voir le secrétaire général pour lui dire que ça n’allait pas, qu’il fallait écrire « échevine ». Il n’a d’abord pas voulu, arguant que le mot n’existait pas. J’ai insisté en expliquant que si, moi, je le disais, il fallait l’inscrire sur ma porte. Il a finalement accepté, mais le problème, c’est que toutes mes cartes de visite avaient déjà été commandées. Je les ai toutes fait refaire!»