Le Quotidien poursuit ses pots de nouvelle année virtuels avec les principaux acteurs de la Moselle viticole. Après le patron des vignerons indépendants Ern Schumacher le week-end dernier, c’est aujourd’hui avec le président de Vinsmoselle, Josy Gloden, que nous trinquons à distance.
LE BILAN DE 2020
Josy Gloden : Cette année restera dans nos esprits… Notre vie a tellement changé à partir du 15 mars… Personne ne savait à quoi s’attendre. Il n’y avait plus que les grandes surfaces ouvertes. Jamais on n’avait interdit à ma génération de sortir de chez soi… C’était bizarre… Mais nous, les vignerons, il faut reconnaître que nous étions privilégiés. Nous avons pu continuer à travailler dans nos caves et dans nos vignes et la météo a souvent été très belle. Notre situation était sûrement bien meilleure que celle des personnes confinées dans des appartements en ville. J’en ai bien conscience.
Grâce à ce beau temps, la qualité des raisins a été très bonne. Les vendanges ont été faciles : pratiquement tous les raisins étaient bons et il n’y avait presque rien à jeter. Le seul point négatif, ce sont les quantités. Au début de l’année, tout était tellement parfait que l’on s’attendait à récolter davantage de raisins mais la sécheresse a freiné cette dynamique. Finalement, je dirais que l’on a environ un tiers de moins que ce que l’on espérait. Mais l’essentiel est sauf : les vins seront bons! J’en ai goûté plusieurs mercredi et ils promettent beaucoup.
Jusqu’à présent, lorsqu’on parlait de la clientèle locale, on pensait au Luxembourg. C’était une erreur : on doit inclure toute la Grande Région.
Le côté plus négatif, bien sûr, ce sont les ventes. Nous avons réussi à limiter la casse mais elles sont en baisse. Sans les commandes de l’Horeca, les fêtes de villages, les fêtes de famille, les réceptions professionnelles… ça a été compliqué. Heureusement, nous avons pu compter sur les clients particuliers et les ventes en grandes surfaces, mais cela ne compense pas les pertes par ailleurs.
Avec cette crise, nous avons tout de même pris conscience d’une chose très intéressante : les clients frontaliers sont bien plus importants que ce que nous imaginions. Pendant les confinements, ils ne faisaient plus leurs courses dans les commerces luxembourgeois et nous avons très nettement vu ce qu’ils représentent. L’essor du télétravail est également bien perceptible à ce niveau. Cela fait réfléchir. Jusqu’à présent, lorsque l’on parlait de la clientèle locale, on pensait uniquement au Luxembourg. C’était une erreur : le marché local dépasse les frontières, on doit y inclure toute la Grande Région.
Nous savons maintenant que toutes les bouteilles achetées dans le pays ne sont pas bues au Grand-Duché, loin de là. Au fond, c’est une très bonne nouvelle.
UNE PROBLÉMATIQUE À RÉGLER POUR 2021
Ce qui serait bien, cette année, c’est que les ventes de crémant retrouvent leur niveau d’avant la crise. Je vous explique. Les ventes de Poll Fabaire, soyons honnêtes, ont baissé significativement en 2020 et c’est logique. Les bulles sont synonymes de fête, on les ouvre beaucoup lorsque l’on veut célébrer quelque chose avec sa famille, ses amis, ses collègues… Alors, sans ces fêtes, il y a beaucoup moins de bulles.
Si les ventes de crémant repartent, c’est que la situation se sera normalisée et tout le monde sera content
Lorsque vous êtes à la maison, vous allez plutôt ouvrir une bouteille de vin tranquille le soir, pas de crémant. En déboucher une de chaque, à deux, c’est quand même beaucoup! Alors si les ventes de crémant repartent, c’est que la situation se sera normalisée et tout le monde sera content : nous, bien sûr, et tous ceux qui pourront enfin trinquer autrement que par internet!
En plus, cet été, nous inaugurerons notre nouveau hall de stockage de 2 800 m² pour les crémants dans notre cave de Wellenstein. Les travaux sont en cours et ils sont très importants pour les Domaines Vinsmoselle. Nous parlons d’un investissement d’environ 4,5 millions d’euros. Il n’était pas question que le Covid bouleverse notre calendrier et nous avons maintenu ce qui était prévu.
Techniquement, nos crémants seront toujours réalisés et embouteillés à Wormeldange, mais ils seront désormais dégorgés et stockés à Wellenstein. Ce sera beaucoup plus pratique que de faire des allers-retours depuis Stadtbredimus, où les bouteilles étaient entreposées jusque-là.
Cette année, nous allons célébrer deux anniversaires : les 30 ans des crémants Poll Fabaire et les 100 ans de la première cave coopérative, créée à Grevenmacher en 1921. Mais comment? Malheureusement, on ne sait pas…
Cet investissement prouve que Vinsmoselle veut voir l’avenir sous un angle positif. Nous ne restons pas les bras croisés en attendant que la situation s’améliore. Grâce à ces nouvelles installations, nous aurons les moyens d’augmenter notre production de bulles mais, dans un premier temps, il faut être réaliste, notre objectif est de retrouver le niveau d’avant-Covid. Ce sera déjà très bien!
UN SOUHAIT POUR 2021
Pour Vinsmoselle, 2021 ne sera pas une année comme les autres. Ce millésime va être chargé de symboles puisque nous allons célébrer deux anniversaires : les 30 ans des crémants Poll Fabaire (NDLR : l’appellation Crémant de Luxembourg a été créée en 1991 et Vinsmoselle a été l’un des pionniers) et les 100 ans de la première cave coopérative, créée à Grevenmacher en 1921 (NDLR : par le premier président, Paul Faber, qui a inspiré la marque Poll Fabaire). Mais comment? Malheureusement, on ne sait pas… Ce serait triste de ne pas pouvoir le faire comme il se doit… D’autant que nous avons également prévu pas mal de nouveautés, dont je ne peux pas encore parler. Nous aimerions bien les sortir dans un contexte plus positif que celui d’aujourd’hui.
Mon souhait pour cette nouvelle année est donc très simple et nous le partageons tous : que le Covid se conjugue au passé et que nous puissions enfin nous revoir en chair et en os, trinquer ensemble, quelle que soit l’occasion qui se présente! L’air de rien, les contacts, la convivialité, le plaisir d’être ensemble, ça manque terriblement…
Entretien avec Erwan Nonet