Le millésime 2020 est seulement le troisième qui voit naître en Moselle du vin de paille à partir du riesling. Jusque-là, cette spécialité très gourmande était produite à partir de gewürztraminer et d’auxerrois.
Dans la cave des domaines Vinsmoselle à Wellenstein, il s’agit d’un moment important. Mardi, le maître de chai Mathias Lambert a lancé le pressurage des vins de paille de la coopérative, un incontournable du catalogue toujours prisé à cette époque. Cette année, l’état sanitaire des raisins a donné une très belle récolte qui a permis d’en produire un peu plus que d’habitude.
Les vignerons ont pu rendre grâce à la belle météo du printemps et de l’été qui a permis d’obtenir des raisins sans défauts pour les vendanges. Un constat d’autant plus vrai que les grappes récoltées pour le vin de paille sont prises les premières. « Nous les avons vendangées avant les pluies de la mi-septembre, juste avant la récolte normale de ces cépages, précise le vigneron Josy Gloden, également président de Vinsmoselle. C’est important parce qu’il faut que les raisins soient mûrs mais que leur peau soit encore suffisamment solide pour supporter le processus de dessèchement. » Si l’enveloppe venait à céder, le jus coulerait et serait un terrain très fertile pour la pourriture qui est ici totalement proscrite.
Lors de la récolte, le principe est de prendre son temps car il faut être bien sûr de couper les plus belles grappes. Ces vendanges-là se font d’ailleurs souvent en famille, c’est un vrai petit rituel! Le tracteur reste habituellement dans le hangar et les petits bacs sont plutôt installés dans le coffre de la voiture, bien mieux amortie que les engins agricoles. Car moins les raisins sont secoués, plus ils ont de chance d’arriver à la cave en bon état.
Cette année, Josy Gloden le confesse, le travail a été assez facile. « On ne peut pas dire que la sélection a été compliquée à faire, sourit-il. 99% des grappes qui étaient dans la vigne auraient pu être prises pour le vin de paille. » Au moins, 2020 n’aura pas été une année pourrie en tout…
La fin du vin de glace
Si la procédure d’élaboration est assez immuable, on observe toutefois une nouveauté depuis deux ans. Depuis le millésime 2018, Vinsmoselle élabore également du vin de paille avec du riesling. Auparavant, on ne le produisait qu’avec du gewürztraminer et de l’auxerrois, gardant celui qu’on appelle le roi des cépages pour les vendanges tardives et le vin de glace. Mais avec le réchauffement climatique, qui est une évidence que personne ne remettrait en question sur la Moselle, tout a changé. « Cela fait des années que l’on ne produit plus de vin de glace et on trouvait dommage de ne plus utiliser le riesling pour ce type de vin alors que son acidité naturelle le prédispose à de très bons résultats », explique Josy Gloden.
Il y a deux ans, la coopérative a donc demandé au Contrôleur des vins de l’Institut viti-vinicole André Mehlen l’autorisation de produire aussi du vin de paille à partir de riesling, ce qui lui a été accordé. Encore très jeune, le premier millésime est désormais en vente et Josy Gloden valide l’inspiration : « il promet énormément ! ».
Ce nouveau vin de paille fait-il office de faire-part de décès pour le vin de glace des rives mosellanes ? Il y a de fortes chances, mais ce n’est pas le choix des vignerons. Il faut que les températures soient inférieures à -7 degrés lors de la récolte pour que l’appellation soit accordée. Et si possible, il faut que ce froid arrive tôt, pour que les raisins ne soient pas trop lessivés par les pluies d’automne ni fripés par les premiers frimas de l’hiver. Autant de conditions qui sont de plus en plus rares. La dernière vraie récolte date de 2008 et pratiquement plus personne au Luxembourg ne prend désormais le risque de laisser des raisins dehors après les vendanges normales. Au moins, avec le vin de glace, les vignerons ne sont plus tributaires du facteur climatique. Et lorsque l’on travaille avec beaucoup de soin et de délicatesse dans le but d’obtenir du vin de paille, les chances sont grandes de parvenir à obtenir un jus de grande qualité.
C’est bien parce que ce vin rare est le fruit d’un labeur méticuleux qu’il faut le boire avec respect, à une température de 10° environ. Rien ne sert de se presser pour l’ouvrir, au contraire. Bien conservés, ce sont des vins qui se gardent des décennies sans aucun problème. « J’en achète quelques bouteilles chaque année et je ne les ouvre qu’après 10 ou 15 années passées en cave, glisse Josy Gloden. Je crois que les gens les boivent souvent bien trop tôt. L’équilibre des arômes est magnifique lorsque le vin de paille prend cette belle couleur ambrée ! »
Vrai qu’il n’y a rien de tel pour finir un repas de fête ! Et comme la bouteille est petite, on peut quand même la finir s’il y a moins de monde que d’habitude autour de la table…
De notre collaborateur Erwan Nonet