Vinsmoselle a fêté vendredi soir son 50e anniversaire, en compagnie du Grand-Duc Henri, dans sa cave de Grevenmacher. Un demi-siècle qui a vu se lancer une production luxembourgeoise de qualité.
Vinsmoselle est l’une des marques luxembourgeoises les plus connues. En 50 ans, la coopérative créée le 16avril 1966 a pris une place prépondérante sur la viticulture du pays. Du point de vue quantitatif, elle en est –et de loin– le plus gros acteur avec ses 11millions de bouteilles produites chaque année. Historiquement, elle a été un pilier essentiel du décollage viticole de ce côté de la Moselle dans l’après-guerre.
S’intéresser à l’histoire de Vinsmoselle, c’est nécessairement se pencher aussi sur le cours de la grande Histoire. Il est assez étonnant de voir à quel point l’évolution de la viticulture luxembourgeoise suit de près les soubresauts de l’histoire politique du Grand-Duché.
Jusqu’au déclenchement de la Première Guerre mondiale, en 1914, la Moselle luxembourgeoise exportait pratiquement l’ensemble de sa production vers l’Allemagne. Le Luxembourg était alors partie prenante de l’union douanière, le Zollverein, avec son grand voisin. Les moûts, de qualité moyenne en général, partaient pour être vinifiés de l’autre côté du fleuve et souvent transformé en Sekt (mousseux) bon marché.
Avec la défaite de l’Allemagne, le contrat explose et c’est toute une économie qu’il faut revoir. Puisqu’elle vient de perdre son unique débouché, la Moselle doit se réorganiser, se trouver de nouveaux modèles pour vendre le jus de la treille. C’est dans ce contexte que naît en 1921 la première cave coopérative du pays, à Grevenmacher.
Là même où s’est déroulée hier la célébration du cinquantenaire de Vinsmoselle. Quelques années plus tard, en 1927, la cave coopérative de Stadtbredimus voit le jour, suivie par la voisine de Greiveldange en 1929. Viennent ensuite celles de Wellenstein et Wormeldange en 1930, puis, enfin, la cave de Remerschen en 1948.
Jusque dans les années 1950, les six caves fonctionnent les unes à côtés des autres, sans collaborer. Elles ne vinifient d’ailleurs même pas les raisins, elles les vendent en vrac à qui veut bien faire le vin.
Mais au milieu du siècle dernier, ce modèle tangue. Les tensions sur le marché sont de plus en plus importantes. Alors que l’Europe est en train de se relever de la Seconde Guerre mondiale, l’alternance entre les bonnes et les mauvaises vendanges déclenche une nouvelle guerre : celle des prix. Lorsque les vendanges sont bonnes, ceux-ci chutent du fait d’une surproduction.
Poll Fabaire, le coup de génie
Au milieu de la décennie, la situation n’est plus tenable. L’inadéquation structurelle de l’ensemble de la production par rapport au marché envoie la viticulture dans le mur. L’État s’en rend compte et lance une série d’études pour sortir de la crise. Des experts suisses et allemands sillonnent le vignoble pour proposer leurs solutions, mais pendant des années, rien ne se passe.
Prenant leur destin en main, les caves coopératives décident de s’asseoir autour d’une table et de se trouver un futur plus radieux. Elles finissent par s’unir dans le Groupement des caves coopératives. L’objectif de ce premier rapprochement est de s’entendre sur les prix pour ne pas se faire concurrence.
L’idée est porteuse et les partenaires décident d’aller plus loin. De longues discussions ont lieu entre 1964 et 1965 entre les coopératives et le secrétaire général de la Centrale paysanne, Mathias Berns. Un mémorandum sur la réforme de la viticulture luxembourgeoise est acté le 31 juillet 1965. Il vise à l’élaboration d’une nouvelle société, régionale et coopérative, qui regroupera non seulement les vignerons, mais qui se chargera également de l’élaboration de vins de qualité et de leur commercialisation : ce seront les Domaines Vinsmoselle, finalement fondés le 16 avril 1966.
La nouvelle structure regroupera dans un premier temps les caves coopératives de Grevenmacher, Stadtbredimus, Greiveldange, Remerschen et de Wellenstein. Wormeldange fait de la résistance et ne rejoindra Vinsmoselle que bien plus tard, en 1988.
L’association des caves a l’effet escompté, la mutualisation du fruit des récoltes permet de stabiliser les prix et donc de sécuriser les revenus des vignerons. Les investissements sont importants : ils représentent 70 millions d’euros sur 50 ans.
Le coup de génie de Vinsmoselle, celui qui sécurise à lui seul la pérennité de la coopérative, c’est la création de la marque Poll Fabaire en 1991, l’année de naissance de l’appellation Crémant de Luxembourg. La même année, 60 millions de francs luxembourgeois (environ 1,5 million d’euros) sont dépensés pour transformer la cave coopérative de Wormeldange en un des centres d’élaboration de crémants les plus modernes d’Europe.
Hasard du calendrier, le 25e anniversaire des crémants Poll Fabaire sera justement célébré à la fin de l’année. 2016 sera une année résolument festive sur les bords de la Moselle !
Erwan Nonet
1967, l’année charnière
Un an après la création de Vinsmoselle, un autre évènement contribue à lancer la viticulture moderne au Grand-Duché : le premier remembrement concernant des vignes au Luxembourg. À Ahn, précisément.
Deux objectifs principaux sont visés : réduire le travail dans le vignoble (on passe de 1 600 heures par hectare à 400 aujourd’hui!) et revoir l’encépagement. Jusque-là, les coteaux de la Moselle portent 80 % d’elbling et de rivaner, dont les rendements très élevés permettent de produire beaucoup de vin de table. Mais les goûts changent. Pour répondre à la surproduction, le pays prend le parti de miser sur la qualité et les rendements plus modérés des cépages nobles (rieslings, pinot gris, pinot blanc, auxerrois…).
Si, aujourd’hui, il n’y a plus que 25 % d’elbling et de rivaner au Grand-Duché, le point de départ de ce changement radical est donc précisément daté : c’était en 1967, une année après la naissance des Domaines Vinsmoselle.