Les dernière grappes dans les vignes luxembourgeoises ont été coupées vendredi, chez Vinsmoselle. Elles permettront d’élaborer un pinot gris vendanges tardives.
Comme dans le sauternais, les deux parcelles (à Mertert et Ahn) vendangées vendredi offraient de beaux raisins touchés par le botrytis, ce champignon qui, en absorbant l’eau des baies, concentre le sucre et les arômes. Ce pinot gris permettra de produire une vendange tardive, un vin concentré, riche en arômes et en sucre, parfait sur un foie gras, en dessert voire en digestif pour clore le repas sur une gourmandise.
Les vendanges devaient avoir lieu lundi matin, mais en regardant la météo, Bernd Karl (directeur technique des domaines Vinsmoselle) a décidé de les avancer à vendredi. On ne pourra pas lui donner tort ! Si l’on ne sait pas encore si les pluies annoncées tomberont bien lundi, cette matinée était magnifique : l’archétype d’un joli moment d’hiver. Au-dessus de cette parcelle d’environ un hectare de pinot gris plantée par Aly Leonardy sur le Mertert Rouseberg, le ciel était bleu, le vent avait décidé de se taire et la lumière offrait des vues magnifiques sur la Moselle.
Les filets bleus qui protégeaient les grappes encore accrochées de l’appétit des oiseaux étaient relevés et, sécateur à la main, une demi-douzaine de personnes s’affairaient à les cueillir. De prime abord, ces raisins ne sont pas appétissants. Les grappes sont recouvertes de pourriture et, dès qu’on les touche, un petit nuage de spores s’envole. Mais c’est justement cet état particulier qui est recherché.
Plus le temps passe et plus ils se bonifient
«Ce champignon, c’est la pourriture noble : le botrytis, souligne Bernd Karl. Il se nourrit de l’eau contenue dans les baies, ce qui concentre le jus.» Le même processus a lieu le long de la rivière Ciron, à Sauternes. Les plus grands vins blancs liquoreux sont obtenus de cette façon. Malgré les interminables pluies qui se sont abattues pendant les vendanges, les grappes ont réussi à tenir le coup. Ce qui n’est jamais gagné d’avance.
Finalement, ce n’est même pas la pluie qui est à mettre en cause pour expliquer les quelques raisins abandonnés sur place par les vendangeurs… mais les guêpes. «Depuis plusieurs années, elles deviennent un vrai problème, assure la cheffe de cave de Grevenmacher, Charlène Muller. Elles viennent piquer les grains de raisin pour se nourrir du jus et cette blessure provoque la création d’acide acétique.» Du vinaigre, en clair. Le problème est tel que, pendant l’été, Vinsmoselle fait venir un spécialiste plusieurs fois par semaine pour enlever les nids.
Heureusement, ici, le problème est plutôt anecdotique. Il faut dire que la parcelle est régulièrement choisie pour les vendanges tardives. Aly Leonardy et son fils Pit savent parfaitement la travailler pour qu’elle offre ses raisins après tout le monde. Les rendements sont mesurés et la plante habituée à la situation.
Une fois chargés dans un camion, les bacs arrivent à la cave de Grevenmacher. Ils passent d’abord par le pressoir où le jus sera libéré. «Puisque la pellicule des baies est fine et fragile, ce sera une presse rapide : le jus coule presque tout seul sous le poids du raisin», prévient Charlène Muller. Avant de rejoindre la cuve où il fermentera, le moût est filtré pour éliminer toutes les impuretés. «Il s’agit d’une étape capitale : si le jus n’est pas parfaitement propre, des déviances contre lesquelles nous ne pourrons rien faire peuvent se développer», ajoute la cheffe de cave.
Et après? Eh bien, il n’y a qu’à attendre. Et le plus longtemps possible. Protégées par leur taux de sucre et leur concentration, les vendanges tardives sont des vins pratiquement immortels. Plus le temps passe et plus ils se bonifient. Vinsmoselle vend aujourd’hui le millésime 2015, déjà très avenant, mais il sera encore meilleur dans dix ou quinze ans !
Erwan Nonet