Début janvier, normalement, on trinque à la nouvelle année dans la Moselle luxembourgeoise et les pots s’enchaînent. Au Quotidien, on fera comme si ces rendez-vous existaient encore en interrogeant ceux qui y passent d’habitude leurs messages. Commençons par le président des vignerons indépendants : Ern Schumacher.
Le bilan de 2020
Ern Schumacher : Quelle année… Personne n’a pu passer à côté du corona. Ce que je retiens, c’est que les vignerons indépendants ont été dynamiques et réactifs dans ce contexte très compliqué où nos clients cafetiers et restaurateurs étaient presque tout le temps à l’arrêt. De nouvelles offres et de nouveaux services ont été lancés. Voir les clients en profiter a été un grand réconfort. Nous avons eu la preuve que ce que nous faisons est important pour eux : les gens sont attachés à nos produits!
Maintenant, il est encore trop tôt pour dresser un bilan comptable. Certains domaines s’en sont bien sortis, d’autres moins… Les producteurs qui misaient beaucoup sur la restauration ont eu plus de mal que ceux dont la clientèle privée est majoritaire. Il sera intéressant de faire une enquête parmi nos membres pour évaluer l’impact de cette année hors norme. D’autant que nous ne sommes pas encore sortis de la crise.
Ceci dit, je pense que le corona a forcé des changements que nous aurions dû entreprendre tôt ou tard. La vente en ligne, une meilleure utilisation des réseaux sociaux : il ne fallait pas attendre les clients mais aller à leur rencontre. Et les résultats ont souvent dépassé nos attentes. À titre personnel (domaine Schumacher-Lethal, à Wormeldange), j’ai été très surpris de voir à quel point ces nouveaux canaux étaient efficaces!
Mais malgré la nécessaire digitalisation, le contact avec la clientèle reste primordial. Je le vois lorsque je livre les vins achetés sur internet : lorsque l’on dépose les cartons, les gens sont toujours contents de discuter un peu. Même si c’est avec un masque et à deux mètres de distance!
Et puis, les portes ouvertes dans le cadre de la fête des Vins et Crémants qui ont eu lieu les deux week-ends précédents le deuxième confinement (NDLR : 13-15 et 20-22 novembre) ont été un succès incroyable. Je n’avais jamais vu ça. Pour respecter toutes les conditions sanitaires, nous avions installé des tables dans la cave, au milieu des machines, à l’arrière de la Wäistuff (NDLR : le bar à vin) : les gens ont adoré! Nous n’avions jamais vendu autant de vins lors de portes ouvertes. C’est la preuve que nous avons besoin de ce contact et cela donne des idées pour le futur!
Une problématique à régler en 2021
Ern Schumacher : Vu de la Moselle, le réchauffement climatique est une évidence à laquelle nous devons nous adapter. L’année dernière a été exceptionnellement sèche et nous voyons bien que, globalement, il pleut de moins en moins. En 2021, il n’est pratiquement rien tombé entre mars et septembre et les vignes – surtout les jeunes – ont eu besoin d’eau.
Au Luxembourg, nous n’avons pas le droit de puiser l’eau de la Moselle mais en Allemagne, juste en face, si! Des discussions sont engagées avec le ministère de l’Agriculture et celui de l’Environnement pour voir ce que l’on peut faire. Il faudrait trouver une solution qui soit acceptable pour tout le monde. Au pire de la sécheresse, lorsqu’il faut donner à boire aux jeunes vignes pour les empêcher de mourir, nous sommes obligés de prendre de l’eau potable, la même que dans la maison. Non seulement cela coûte cher – avec en plus la taxe pour les eaux usées – mais c’est aussi gâcher une ressource qui n’est pas faite pour ça.
Aujourd’hui, il existe des systèmes qui permettent d’arroser en économisant l’eau au maximum, avec des systèmes de goutte à goutte très précis. En encadrant cela comme il faut, cela ne nuirait certainement pas à la Moselle si l’on prenait un peu de son eau en cas de nécessité… Mais il faut bien travailler tout cela en amont, car ce sont des équipements onéreux. J’espère que nous trouverons une solution cette année. Nous en avons besoin.
Un souhait pour la nouvelle année
Ern Schumacher : Je n’hésite pas une seconde : retrouver notre clientèle en chair et en os! Je crains que la situation n’évolue pas beaucoup dans les six prochains mois, mais si l’on pouvait retrouver les fêtes de village pour l’été, ce serait fantastique! Ce sont des moments importants pour nous, elles rassemblent beaucoup de monde : elles rythment notre année. Être contraints de s’en passer deux années de suite, ce serait dur… Le vin est un produit de convivialité, après tout. Sans cette dimension, il nous manque quelque chose.
Comme tout le monde, nous espérons le retour à la normalité. J’ai de l’espoir, mais aussi un peu peur. On ne sait vraiment pas de quoi demain sera fait. Cette année sera très dure pour beaucoup de personnes, je pense notamment aux petits commerçants et à la restauration. Ils ont déjà beaucoup souffert alors si les restrictions perdurent, ce sera inquiétant. Il ne faut pas oublier que ce sont des secteurs qui embauchent beaucoup, si les faillites se multiplient, de nombreuses personnes seront dans la difficulté…
Malgré tout, nous voulons rester positifs et nous espérons que tout ira de mieux en mieux. Nous avons d’ailleurs tout prévu : les dates des portes ouvertes et, avec le Fonds de solidarité, même la réservation du chapiteau du cirque de l’Avent sur le Glacis pour le fête des Vins et Crémants du mois de décembre! Croisons les doigts…
Erwan Nonet