Le domaine de Wormeldange n’a décidément pas de frontières. Le voilà qui investit la Napa Valley, l’eldorado viticole des USA, pour produire un grand vin rouge !
Les ambitions du domaine Alice Hartmann sont très claires : produire les meilleurs vins de terroir possible. Bien sûr, la maison est accrochée à Wormeldange, où elle est implantée, mais cela ne l’empêche pas d’aller voir ailleurs. «Depuis longtemps, nous avions envie de produire un très grand vin rouge, avoue le directeur commercial André Klein. Nous sommes déjà reconnus au Luxembourg et à l’étranger comme un producteur de rieslings et de crémants de haute qualité, mais nous voulions aller encore plus loin.» Le pinot noir ne leur suffisant pas (pourtant la Sélection du Château – Trois étoiles est épatante!), André Klein et les propriétaires du domaine sont donc restés à l’affût des opportunités. Leur réseau de connaissances et d’amitiés se tissant à l’international, une belle possibilité s’est ouverte sur la côte ouest des États-Unis, dans la Napa Valley. L’exotisme et la réputation de l’endroit ont fini de les convaincre.
Située à une heure de route au nord de San Francisco, la vallée compte 400 domaines dont certains font partie de l’aristocratie mondiale : Opus One, Robert Mondavi, Rutherford Hill, Stag’s Leap… Sous un climat à l’influence méditerranéenne, la vallée est délimitée par les monts Mayacamas à l’ouest et au nord et Vaca à l’est. La vigne y est une histoire ancienne, puisque les premiers ceps ont été plantés vers 1840. La Napa Valley deviendra la première appellation d’origine contrôlée américaine (AVA, American Viticultural Area) en 1981 et elle est aujourd’hui une destination touristique incroyablement prisée avec 4,7 millions de visiteurs chaque année!
Pour produire ses propres bouteilles, le domaine Alice Hartmann s’est associé à des partenaires «très réputés», confie André Klein. «Là-bas, beaucoup de viticulteurs vendent leurs raisins sans produire de vins et nous avons fait appel à l’un des plus respectés, ajoute-t-il. La qualité est vraiment irréprochable.» La vinification, elle, est confiée à un autre collaborateur qui possède aussi son propre domaine. Même si son nom n’a pas filtré, confidentialité oblige, il s’agit d’un des acteurs majeurs de l’appellation. «Ses bouteilles sont si demandées qu’elles sont introuvables.» Cette association, qui peut étonner ici, est courante là-bas : chacun connaît parfaitement son rôle et son travail et possède le meilleur matériel possible.
1 200 bouteilles produites par an
Le Napa Valley Project One d’Alice Hartmann est un assemblage de 71 % de cabernet-sauvignon, 18 % de cabernet franc, 9 % de petit verdot et 2 % de merlot. Les raisins proviennent de quatre AVA : Calistoga (terroir escarpé au nord de la vallée, au pied des monts Mayacamas, le plus chaud, avec un sol volcanique), Rutherford (plus au centre, sols alluviaux et limons sablo-argileux bien drainés), Oakville (juste au sud de Rutherford, qui lui ressemble) et Yountville (au sud de Oakville, au climat plus frais et nommé en l’honneur de l’homme qui a planté les premières vignes de la Napa Valley, George C. Yount). «Chaque terroir apporte ses caractéristiques, ce qui nous a permis de construire l’assemblage le plus équilibré et le plus élégant possible», assure André Klein.
Puisque l’on est ici sur une recherche de qualité sans aucune compromission, les rendements sont tout petits : à peine une trentaine d’hectolitres par hectare. Une fois pressés, ces raisins intègrent tous des barriques neuves. La production est très limitée, puisque seules 1 200 bouteilles sont produites en moyenne chaque année. Par chance, les énormes incendies qui ont touché la région ces dernières années n’ont affecté ni les vignes ni les infrastructures des partenaires. Du fait de leur rareté, ces bouteilles sont réservées aux clients déjà titulaires d’une allocation au domaine. Elles sont vendues dans des caisses en bois spécialement façonnées en Bourgogne contenant trois ou six bouteilles, au prix de 100 euros la bouteille. «Bien sûr, c’est cher, mais si vous saviez les prix des bouteilles de nos voisins américains…», sourit André Klein. Le tarif ne semble effectivement pas être un gros problème, puisque les commandes sont déjà nombreuses pour le 2017, premier millésime tout juste mis en vente.
Cela fait donc quatre ans que des vins américains sont produits par Alice Hartmann et le domaine est curieux de voir comment sa clientèle luxembourgeoise percevra cette nouvelle proposition. Si les échos sont positifs, il ne s’interdit pas de développer davantage cette filière qui va également lui permettre de faire connaître ses vins luxembourgeois hors des frontières grand-ducales, et même jusqu’aux États-Unis. «Quelque part, c’est notre but ultime, reconnaît André Klein. Si le Project One se fait remarquer par des prescripteurs qui ne connaissaient pas encore notre production luxembourgeoise, nous pourrons leur faire découvrir nos rieslings et nos crémants et ils verront que nous y mettons le même soin et que nous disposons ici aussi de très grands terroirs qui méritent d’être davantage reconnus.»
Erwan Nonet
Déjà en Allemagne et en France
Cela fait déjà quelques années qu’Alice Hartmann possède un pied en Allemagne, et pas n’importe où : sur le Trittenheimer Apotheke et le Wiltinger Scharzhofberg. Grand spécialiste du riesling, c’est bien sûr le cépage roi de la Moselle qui pousse sur ces deux terroirs d’exception. Le Trittenheimer Apotheke se situe à l’extérieur de la boucle dans laquelle est installé le village de Trittenheim. Le sol est composé d’ardoises bleues et grises, sur des pentes assez extrêmes (jusqu’à 50 %) exposées sud/sud-ouest. Créé sous l’impulsion de l’abbaye de Trèves (comme beaucoup de vignes le long de la Moselle, y compris au Luxembourg), ce vignoble amène élégance, puissance et minéralité aux vins qui y sont produits. Le Scharzhofberg est une vraie légende, puisque des vins parmi les plus chers du monde y sont produits : ceux d’Egon Müller, notamment (mais aussi Van Volxem…), qui y possède plus de huit hectares. Ce terroir est planté depuis une éternité et il y naît parmi les meilleurs vins doux qu’il soit. Les ardoises très érodées sont plus profondes, drainantes, mais elles imprègnent magnifiquement les vins.
La Bourgogne fait également partie des terrains de jeu du domaine luxembourgeois. Il dispose en effet d’une vigne de chardonnay à Saint-Aubin, dans la côte de Beaune. Sont traitement est original, puisque le vin qui en sort est assemblé à du chardonnay luxembourgeois dans une cuvée sans appellation, mais pas sans gourmandise, dénommée Adigio. Cette année, malheureusement, il n’y a pas eu de récolte, car la parcelle a été durement touchée par les gelées printanières.