Même si la sécheresse du mois d’août a un peu freiné la maturation des raisins, les vendanges débutent très tôt cette année. Au domaine Cep d’Or, les premières grappes ont été coupées mercredi.
Dans les vignes, jusqu’ici, les vignerons ont été vernis. Le Covid est dans l’air mais les ceps s’en moquent. Les conditions météo ont été particulièrement clémentes et, globalement, l’année a été sans piège. Ce qui n’avait pas été le cas l’an passé, par exemple, où les gelées tardives du début du mois de mai avaient brûlé en quelques dizaines de minutes environ 30% de la récolte. Il suffit d’ailleurs de se promener entre les rangs pour le constater : les grappes sont propres et saines, épargnées par les maladies. Elles.
Le seul petit couac, ce serait le manque d’eau de l’été. La sècheresse est survenue entre la nouaison et la véraison, ce qui a eu pour conséquence de bloquer la croissance en volume de la baie. Les raisins sont donc plutôt petits, il restera à savoir combien ils contiendront de jus. La grosseur de la baie n’influe cependant pas sur les qualités du fruit, le seul inconvénient viendrait d’éventuelles fortes pluies. Sous la pression du jus qui serait alors créé, la peau risquerait d’éclater et la pourriture arriverait sans tarder.
Ce qui est déjà certain, cette année, c’est que les vendanges s’étaleront dans le temps. La période de la floraison (début juin) a été assez humide et la croissance des fleurs n’a pas été homogène. En conséquence, tous les raisins ne seront pas mûrs en même temps, parfois même dans une même vigne. En soi, cela n’impacte pas non plus la qualité des fruits, mais cela imposera aux vendangeurs beaucoup de vigilance et aussi… plus de travail. « Chez moi, nous ferons deux passages partout pour ne récolter que des raisins à bonne maturité », soutient Tom Schumacher (domaine Schumacher-Lethal, à Wormeldange).
Mais que l’on ne s’y trompe pas, les vendanges sont tout de même précoces cette année. La traditionnelle date du 15 septembre est encore très largement devancée. Quelques domaines, souvent parmi les plus gros, ont déjà commencé à ramener des raisins à la cave. Henri Ruppert a débuté mardi avec une parcelle d’auxerrois du Remerschen Kraitzberg. « Cette vigne avait été touchée par la grêle (NDLR : le 31 juin) et beaucoup de grappes ont été abîmées, explique-t-il. Puisque les quantités récoltées ne sont pas énormes, je les utiliserai en tant que vins de base pour les crémants. »
Le lendemain, le domaine Häremillen (Ehnen) a débuté à son tour la récolte des raisins pour le crémant. Lisa Vesque (domaine Cep d’Or à Hëttermillen) avait également le sécateur à la main pour la première fois de l’année ce jour-là. Sur le plateau du Hamberg, à l’intérieur du méandre creusé par la Moselle entre Stadtbredimus et Hëttermillen, ce sont deux parcelles de pinot noir précoce qui ont été récoltées. Les ouvriers qui travaillent habituellement au domaine avaient reçu le renfort des premiers saisonniers, alors que les autres vendangeurs arriveront dans la semaine.
Du pinot noir précoce dans le crémant
Ici, la plus grande vigne a été plantée il y a une douzaine d’années, la plus petite un peu plus récemment. Les ceps portent de nombreuses belles grappes. D’habitude, le domaine les vinifie en rouge mais ces raisins serviront cette année à concevoir du crémant. « Lors d’un stage que j’avais réalisé dans l’est de l’Allemagne au cours de mes études à Geisenheim, j’avais travaillé dans un domaine qui vinifiait le pinot noir précoce en crémant rosé et j’avais trouvé cela très intéressant », se souvient-elle.
Ici, ce sera un peu différent puisque ces grappes rouges seront vinifiées en blanc. « Nous ferons même deux pressurages – un à midi, l’autre le soir – pour que les raisins ne macèrent pas et ne prennent aucune couleur », précise Lisa Vesque. Quant à savoir comment se composera l’assemblage, il faut attendre que les vins de base se fassent pour jouer avec les caractéristiques de chacun.
Si ces vignes serviront pour la première fois à la fabrication de bulles, c’est aussi parce que chez Cep d’Or, le créneau des vins rouges est également pris par le pinotin, planté seulement en 2015 mais qui connaît un gros succès auprès de la clientèle. Ce cépage interspécifique (PiWi) a été sélectionné pour sa résistance aux maladies et il est même certifié bio au domaine.
Cette concurrence n’est toutefois pas un souci, puisqu’elle va permettre d’élargir encore un peu la palette des vins disponibles pour les crémants et d’augmenter un peu une production réputée qui se vend également très bien. C’est aussi cela le métier de vigneron : savoir innover tout en adaptant son offre aux goûts et aux modes du moment, sans toutefois jamais trahir sa personnalité.
De notre collaborateur Erwan Nonet
Pourquoi les vendanges commencent-elles par le crémant ?
Il n’y a pas si longtemps, les vendanges débutaient toujours par le rivaner. Ce n’est souvent plus le cas aujourd’hui et certainement pas cette année. En cause : le réchauffement climatique qui pousse les raisins vers des degrés de maturité de plus en plus élevés.
Or, pour élaborer le crémant, il faut vendanger des raisins qui ne soient pas trop sucrés, donc pas trop mûrs. En effet, puisque la méthode traditionnelle impose une deuxième fermentation en bouteille qui nécessite l’adjonction d’une liqueur sucrée, il faut que les vins de base ne le soient pas trop pour qu’ils gardent cette indispensable fraîcheur. Et donc que les raisins soient vendangés tôt. À titre de comparaison, beaucoup de domaines ont déjà terminé leurs vendanges en Champagne.