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Vendanges 2016 en Moselle : le petit miracle


Fernand Etgen est allé vendanger une vigne de pinot gris située au Scheierberg, à Remich, et appartenant aux caves Gales. Et avec le sourire! (photo Isabella Finzi)

Le ministre de l’Agriculture, Fernand Etgen, s’est rendu dans la Moselle pour rencontrer les vignerons qui ont retrouvé le sourire qu’ils avaient perdu au printemps.

Inespérées! Voilà sans doute le terme qui qualifie le mieux ces vendanges. Les vignerons louent un ciel finalement clément qui permet in extremis d’offrir une récolte qu’ils n’auraient pas osé imaginer au début de l’été.

Pour la vigne, le début de la période végétative a été simplement catastrophique. Fin avril, les vignerons n’ont eu que leurs yeux pour pleurer les quelques nuits où des températures négatives sont venues brûler les bourgeons tout juste sortis. Puis, subissant des pluies diluviennes et des températures particulièrement fraîches, la floraison s’est étalée sur une période anormalement longue. Ce n’est pas bon du tout, puisque cela empêche les grains d’arriver à maturité en même temps, y compris sur une même grappe. Les semaines qui ont suivi ont été du même tonneau, si on peut dire.

Des records de pluies qui tombent chaque mois, un soleil parti au large qui ne permet pas à la plante de réaliser une bonne photosynthèse et, pour couronner le tout, le mildiou qui se propage à vitesse grand V. Les vignerons qui travaillent sans ménager leur peine pour tenter d’éviter le pire se lamentent en se disant que, cette année, ils sont maudits.

«Reconnaissants envers la nature»

Et puis, le miracle. Au milieu de l’été, la nature s’est dit qu’elle avait causé assez de misères comme cela. Depuis, le soleil n’a eu de cesse de darder ses rayons et les quelques nuages de passage ont décidé de garder leur eau pour eux. Un mois d’août chaud et sec, des mois de septembre et d’octobre pleins d’allant et c’est une récolte qui est sauvée. La vigneronne Anouk Bastian (domaine Bastian, à Remich) résume ce grand huit émotionnel : «Nous disons toujours que nous sommes dépendants de la nature, mais cette fois, nous avons vraiment vu ce que cela voulait dire! Nous avons longtemps pensé vivre une année catastrophique et, au final, nous vendangeons de très beaux raisins : nous sommes très reconnaissants envers la nature qui nous permet de réaliser ces belles vendanges.»

Cependant, tout n’est pas aussi simple et il n’y a pas de mystère : seuls ceux qui ont travaillé d’arrache-pied ont aujourd’hui le luxe de se frotter les mains. Pour ceux qui n’ont pas réagi à temps lors de la mauvaise période, les pertes peuvent être sévères. «Nous avons eu peur, mais tout le travail effectué dans les vignes a fini par payer, souffle Anouk Bastian. Les raisins que nous récoltons sont excellents : les acidités sont équilibrées, les degrés Oechsle élevés et ils sont très sains.»

Des raisins aussi sains? «Du jamais vu!»

Ern Schumacher (domaine Schumacher-Lethal, à Wormeldange) a beau avoir vu le coup se faire depuis un certain temps, il n’en revient pas : «Des vignes aussi saines, sans aucune trace de pourriture comme c’est le cas actuellement, c’est du jamais vu!»

Pour autant, les parfaites conditions des deux derniers mois ne sauveront pas les raisins perdus en amont. Qualitativement, le millésime 2016 promet énormément, mais il n’y aura pas beaucoup de jus. «Je pense que nous produirons environ 30 % de vin en moins», estime Antoine Clasen, directeur général adjoint de Bernard-Massard. Bernd Karl, le directeur technique de Vinsmoselle, craint, lui, une baisse de volume «de 30 à 40 %». «Ce sera évidemment un problème, cela fera autant de vins en moins à vendre…», regrette-t-il déjà.

Pour qualifier la récolte, le ministre de l’Agriculture, Fernand Etgen, a lancé la formule «klein aber fein» («petite, mais belle»). Il a d’ailleurs fait remarquer en blaguant que le ciel s’était dégagé à partir du moment où il est venu constater les ravages du mildiou. Thaumaturge, le ministre? «Il y a quand même eu du travail avant…», a fait remarquer discrètement un vigneron de l’assemblée.

Au mois de juin, si l’on avait promis aux vignerons la situation actuelle, ils auraient signé des deux mains. Mais aujourd’hui, si soulagés qu’ils soient, ils en veulent encore plus. Car les vendanges sont encore loin d’être terminées. Anouk Bastian pense qu’elle ne vendangera pas ses rieslings – cépage le plus tardif – avant la dernière semaine d’octobre. Et d’ici là, la météo a le temps de changer… Il ne reste plus qu’à croiser les doigts en regardant le ciel.

Erwan Nonet