Un spectacle « pro » monté de toutes pièces par des lycéens

Des élèves des lycées techniques Bel-Val, de Bonnevoie et du Centre présentent ce week-end aux Rotondes un spectacle mêlant théâtre, danse et rap qu’ils ont monté de toutes pièces.

Lendemain de fête. Des ados encore un peu éméchés émergent. Et réalisent soudain que leur hôte, Johnny, a disparu ! Des bribes de souvenirs bien trop flous leur reviennent. Ils décident alors de reconstituer la soirée d’anniversaire pour tenter de comprendre comment ils en sont arrivés là. La maison devient une véritable scène de crime. Entre les drogues et l’alcool, les fêtards vont prendre conscience des ravages subis et remettre en question des amitiés qu’ils pensaient jusque-là inébranlables.

ID-Home, une fête qui dérape, c’est le thème choisi cette année par la quarantaine de lycéens qui participent au projet ID des Rotondes de Luxembourg. Un spectacle qu’ils ont monté de A à Z, de la trame aux textes, en passant par les costumes et même la musique, spécialement créée pour l’occasion.

Réussir à être à l’aise

Un spectacle complet, digne des grands. «Dans leurs attitudes sur scène, il y a beaucoup d’aspects quasi professionnels alors que ce sont des jeunes qui n’ont jamais fait ça», commente non sans fierté Piera Jovic, danseuse et chorégraphe, qui a participé à la conception, à la mise en scène et à l’encadrement pédagogique et artistique des élèves.

Les ados enchaînent en effet avec une incroyable assurance morceaux de rap, chorégraphies de groupe et saynètes, en français ou en luxembourgeois, qui déclencheront à coup sûr admiration et éclats de rire dans l’assistance.

Pourtant, la peur de faire face à un public a longtemps été présente, comme le confirme Steve, 14 ans, élève au lycée technique du Centre, qui dans la pièce se rend le premier compte de la disparition de Johnny : «Je n’aimais pas parler dans un micro. Mais après avoir essayé plusieurs fois, ça a fini par me plaire !» Idem pour son camarade Jonathan, confiant pour l’instant, mais «faudra voir quand il y aura le public !».

«C’est ce qui est impressionnant avec ces projets», renchérit Piera Jovic. «Au début, il y a un mur énorme entre les élèves et nous. Puis, petit à petit, ils commencent à se libérer. Et à la fin, ils sont à fond. C’est hyper-beau. Quand on a l’habitude, on sait que le début est dur, cela peut être frustrant, mais on l’accepte. On sait qu’à la fin, ça va bien se passer.»

Pour les aider à se libérer et à se montrer à l’aise avec leur corps et dans l’espace, Piera Jovic a mis en place une «routine», qui permet de «faire sans trop réfléchir» : «Je propose des mouvements et des isolations, où ils doivent me suivre.»

Plusieurs mois de travail

À raison de deux heures une fois par semaine (hors vacances scolaires) de septembre à fin janvier, les élèves n’ont eu que très peu de temps pour réaliser un tel spectacle, d’une durée de quarante minutes environ.

Issus de trois lycées techniques différents (le lycée Bel-Val, le lycée technique de Bonnevoie et le lycée technique du Centre), ils ne se sont rencontrés tous ensemble pour la première fois que ce mois-ci. «C’est très chouette, quand il y a tout ce mélange, des amitiés se forment. C’est l’un des beaux aspects de ce projet», se réjouit Piera Jovic.

Le projet ID, né en 2009, est réalisé par les Rotondes avec le soutien du ministère de l’Éducation nationale pour le régime préparatoire. Le but? Donner l’occasion aux jeunes des filières techniques de découvrir un autre univers, mais aussi de se retrouver sur le devant de la scène et de pouvoir en retirer fierté et confiance en eux, comme le souligne Piera Jovic : «Les élèves des classes techniques se dirigent tout de suite vers une profession. Ce projet est l’occasion de leur montrer qu’il y a autre chose. Et c’est aussi leur offrir la chance d’avoir un public qui les applaudit.»

Les jeunes ne sont pas les seuls à y trouver leur compte, les encadrants aussi retirent beaucoup de cette expérience : «J’adore travailler avec des jeunes parce que je vois leur évolution», savoure Piera Jovic. «J’apprends énormément avec eux. Ils ont leur propre univers et des idées très justes. C’est hyper-important de les prendre au sérieux et de les encourager. Plus je le fais, plus le respect mutuel s’établit et, à partir de là, le travail s’accomplit beaucoup plus vite. Et le résultat est quasi professionnel.»

Tatiana Salvan