À Esch-sur-Alzette, un résident pas comme les autres a fait son entrée à la clinique gériatrique Sainte-Marie : un robot phoque, destiné à apaiser les personnes atteintes d’Alzheimer.
Il s’appelle PARO, il est tout blanc, tout doux et très intelligent. Ce petit robot phoque vient de rejoindre la clinique gériatrique Sainte-Marie à Esch-sur-Alzette, grâce à un partenariat entre les Hôpitaux Robert-Schuman et le Lions Club Luxembourg International afin de compléter «la boîte à outils» destinée aux patients atteints de troubles du comportement tels que la maladie d’Alzheimer.
Recouvert d’une fourrure synthétique à fibres bactéricides pour éviter la propagation de maladies, le très sophistiqué et résistant PARO est équipé de sept moteurs qui lui permettent de réaliser plusieurs mouvements : bouger la tête, cligner des yeux, remuer la queue et actionner ses nageoires. Il est aussi truffé de capteurs et de microphones qui permettent par le biais d’un logiciel d’intelligence artificielle d’adapter ses réponses en fonction de l’action menée sur lui par le patient.
«En pratique, le robot joue un rôle d’objet transitionnel en rassurant le patient et en calmant ses angoisses. Il exerce un impact positif sur l’anxiété, l’irritation, l’agressivité, la dépression, l’apathie et la déambulation», explique le Dr Serge De Nadai, médecin spécialiste en gériatrie et responsable de l’Unité cognitivo-comportementale (UCC) aux Hôpitaux Robert-Schuman (HRS).
Lorsque la parole ne suffit plus
En effet, grâce au lien qui va s’établir entre le robot et le patient, ce dernier va pouvoir canaliser son attention sur quelque chose qui lui procure des sensations agréables et va ainsi diminuer son anxiété et apaiser son humeur. «Très fréquemment les troubles du comportement sont des réactions liées à des problématiques anxieuses : le patient ne comprend pas, il se trouve dans un environnement qu’il ne maîtrise pas, il souffre d’anxiété vespérale… Si on arrive à canaliser cette anxiété, on a un bénéfice sur le comportement», poursuit le médecin.
S’il peut être utilisé à différents stades de la maladie d’Alzheimer, ce petit phoque s’avère d’autant plus utile lorsque la maladie évolue, comme l’indique le Dr De Nadai : «Plus la maladie progresse, moins le patient est accessible à la parole. En début de maladie, on peut en effet apaiser le patient avec une relation d’aide classique, mais plus la maladie avance, moins la parole a d’effets. On est alors plus dans l’émotion et la sensation.»
PARO sera ainsi utilisé dans des ateliers et pour calmer des états d’anxiété aigus, mais aussi dans le cadre d’interactions de groupe afin de favoriser les échanges entre les patients : «Le robot sera manipulé par un patient et les autres vont pouvoir construire quelque chose autour de ce qu’ils voient. Cela va pouvoir générer des souvenirs concernant leur histoire avec les animaux et susciter des interactions entre eux.»
Thérapie animalière sans contrainte
Afin d’améliorer la qualité de vie de ces patients souffrant de démence, différents types de thérapies non médicamenteuses (individuelles ou de groupe) peuvent s’avérer profitables : les repas thérapeutiques, la musicothérapie, le snoezelen (exploration multisensorielle contrôlée) ou encore la zoothérapie, mais cette dernière présente évidemment un certain nombre de contraintes, tout particulièrement en milieu hospitalier, qui sont évitées avec un robot.
«Depuis plus de 10 ans, de nombreuses études cliniques démontrant l’intérêt de la technologie PARO ont été réalisées. Ce robot nous permet de profiter des avantages reconnus de la thérapie animalière comme la réduction du stress et de l’anxiété ou la prévention de la dépression tout en limitant les contraintes que ces types de thérapies présentent, en termes d’hygiène, risque d’allergies, soin de l’animal», confirme le Dr Serge De Nadai.
Le petit robot phoque a été développé dès 1993 et commercialisé au Japon en 2005 puis aux États-Unis en 2009. À ce jour, plus de 6 000 robots aident la prise en charge des patients atteints d’Alzheimer dans des hôpitaux et établissements de soins de plus de 30 pays. En Europe, il est très présent dans les pays scandinaves et en Allemagne, ainsi qu’en France (principalement dans les maisons de retraite), en Italie et en Suisse.
«C’est l’arrivée des technologies modernes dans le domaine du soin», conclut le Dr De Nadai. «Notre prochain projet, ce sera l’installation d’une Tovertafel (NDLR : «Table magique») qui projettera des jeux numériques ludiques sur une table, comme des puzzles par exemple.»
Tatiana Salvan